Un étranger dans le miroir


Un étranger dans le miroir

Tome I
Anne Perry

.
.
Londres, juillet 1856,

Il paraît que vous vous appelez Monk… William Monk.

« Lorsqu’il ouvrit les yeux, il ne vit qu’une vague grisaille au-dessus de lui, uniforme comme un ciel d’hiver, lourde et menaçante. Il cligna des paupières et regarda de nouveau. Il était couché sur le dos : la grisaille était celle d’un plafond, noir de crasse et de fumée. »

Dans une salle commune de l’hôpital public, l’homme reprend difficilement ses esprits. Il ne sait plus qui il est, ne connaît pas les raisons qui le maintiennent sur cette couche et ne se souvient plus des traits de son visage. L’homme de salle plaisante… si ça se trouve c’est un mécréant ramassé dans une rixe des bas-fonds car l’inspecteur principal Runcorm est venu témoigner de son identité.

En fait, cet homme a subi un violent traumatisme lors d’un accident de cab qui l’a laissé amnésique. Il est William Monk, inspecteur de police. Détenteur seulement d’un nom et d’une adresse, il part de l’hôpital après trois semaines de soins.
Angoissé par le néant, il se retrouve dans son appartement, seul et encore fragile. Lorsqu’il se met face à un miroir, il découvre un étranger à l’expression sombre et dure, avec des yeux gris, un nez aquilin, une bouche large et sévère, un homme d’une trentaine d’années.
En fouillant ses papiers, il tombe sur des lettres de sa soeur Beth habitant le nord. Le Northumberland résonne dans sa mémoire du coeur ; des impressions douces et familières. Souhaitant obtenir des informations, il part faire sa convalescence chez elle. Il y trouve une famille aimante mais pudique. Huit ans qu’il ne l’avait pas vue, qu’il l’avait presque ignorée et ceci ne plaide guère en sa faveur. Le premier constat qu’il dresse de lui n’est pas sympathique : homme froid, ambitieux, vaniteux et indifférent.

De retour à Londres, il se présente au poste de police. Le portrait de Monk se précise. Il est un homme craint, respecté et détesté. Ses manières de gentleman distancent celles de ses collègues et le rangent dans une catégorie de la société bien à part ; ni celle des lords, ni celle des bourgeois, ni celle des boutiquiers, ni celle des domestiques…
D’une grande intelligence et d’une perception très fine de l’âme humaine, Monk s’aperçoit qu’il doit taire son amnésie. Les requins seraient trop satisfaits de connaître cette blessure. Alors que son supérieur Runcorn ne tarde pas à lui soumettre un dossier non élucidé, Monk doute de ses capacités et essaie de surmonter sa panique.

Cette enquête concerne le meurtre violent du frère cadet du marquis de Shelbourne, Joscelin Grey, retrouvé battu à mort dans son appartement de Londres. Grey était un officier de la guerre de Crimée, démobilisé pour sa blessure à Sébastopole. Jeune homme charmant, solaire, il laisse une famille endeuillée bien affligée et une mère vindicative. La marquise douairière s’impatiente car la police tarde à trouver le meurtrier de son fils adoré.
Assisté d’un jeune inspecteur, Mr. Evan, Monk a le plaisir de voir en cette recrue une personne honnête, intelligente et professionnelle. L’admiration du jeune homme envers lui, enquêteur renommé, ne gâte en rien leur collaboration et provoque chez Monk un regain d’énergie. Ses facultés de limier se mettent en branle immédiatement, comme dans une mécanique bien huilée.

Cependant, au plus Monk pénètre dans son investigation, au plus il ressent une gène. Dans cette implication, il aurait tendance à mélanger le passé et le présent. La violence du crime le renvoie à une émotion oubliée.
Ce n’est pas une enquête qu’il doit mener, mais deux. L’une bien concrète, l’autre très intime et impalpable. Puis, une troisième se profile qui relierait le tout en une seule affaire avec pour toile de fond, les soldats morts sur le champ d’honneur…

Le plaisir de lire est entier dans ce roman. Je me gave de cette histoire, des personnages, de l’époque, comme le ferait un affamé… J’exagère ? Juste un tout petit peu !
Jamais je n’aurais songé à relire cette série et ce challenge m’en donne l’heureuse opportunité. De plus, le faire en compagnie de charmantes lectrices me ravit…

Vous l’aurez saisi, William Monk découvre que son personnage avant son accident, était d’un orgueil et d’un arrivisme très grands. Peu sympathique, il vivait solitaire, obsédé par son travail de rendre une justice impartiale, convoitant des postes éminents et dépensant ses économies dans le paraître. Cette facette déplaisante de son caractère s’efface pour laisser un homme plus humble et plus humain. Le changement apporte à Monk toute l’empathie et l’attirance de la lectrice… que je suis !

Dans ce premier volume, Monk fait la connaissance de deux personnages importants que nous retrouveront par la suite dans la série. Il aborde deux femmes de tempérament, de façon bien maladroite.
La tante de Grey, une femme d’une soixantaine d’années, Lady Callandra Daviot, veuve fortunée d’un colonel. Très moderne pour l’époque, son indépendance, son intelligence et son verbe mordant font d’elle une femme exceptionnelle. Elle est aussi un exemple et un soutien précieux pour…
… Hester Latterly. Jeune fille de famille aisée approchant la trentaine, elle a eu la chance et la force de faire ce qu’elle voulait. Durant la guerre de Crimée, elle était une de ces femmes volontaires qui ont suivi Florence Nightingale dans son hôpital de Scutari. Revenue dans sa famille pour le décès de ses parents et de son frère soldat, elle a bien du mal à regagner le rôle « digne et sobre d’un zombie ». Muselant sa fougue, cachant son regard autoritaire et franc, elle ne sait trop comment se comporter et cherche une fonction à son existence, ne se voyant pas indéfiniment vivre dans la maison de son frère.
Lorsque Monk lui parle pour la première fois, sa diplomatie et sa courtoisie face à tant de cran se muent en un maelström de sentiments. Son impulsivité bouscule les politesses et donne à ce tête-à-tête une tournure de joute. Sarcasmes pour l’un et l’autre, cela augure des rapports intenses pour plus tard…

Une intrigue captivante dans un labyrinthe d’indices, de doutes et de douleurs, des images de guerre qui ne vantent aucune gloire, des sociétés victoriennes bien distinctes, de la duplicité, de l’honneur mis à mal, des portraits contradictoires… tout cela pour ce tome initial que je vous conseille de lire + que + !

Billets de la lecture commune chez Adalana, Eiluned, Shelbylee, Fany et Aymeline.
.
.

Guerre de Crimée


Challenge Anne Perry
Challenge Petit BAC d’Enna, Catégorie Objet
Challenge God save the livre d’Antoni
Challenge Victorien d’Aymeline, Découverte d’un auteur

.
.
.
.