Récits décousus d’un naufragé du temps

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.caravelle

Chapitre I

Byzantin, baliverne, beauté, bébé, bien, banc, barbare, blanc, bastingage, bravache, bambou, bouquin, bain, borderline, bambochade et bout

Le glissement de temps eut bien lieu ! Venant du XXIe siècle, nous avions convenu et programmé l’époque romaine, mais au final, je me retrouvais sur le bastingage d’un navire byzantin fuyant l’invasion barbare venue d’Extrême-Orient. C’était Constantinople qui était attaquée, nous étions donc en 1453. Je possédais un bouquin relatant l’histoire du monde et je pouvais ainsi prédire la suite des évènements.

En relevant la tête, j’observe le paysage qui s’offre à moi. J’aperçois le bout de la cité ; murailles blanches s’enflammant sous la beauté du ciel étoilé. Le capitaine du vaisseau sort sur le pont, un arc en bambou dans le dos. Il pose un pied sur un banc et d’un air bravache, me toise.
Des bains de sang coulent dans les rues. J’entends les cris des derniers survivants et les pleurs des mères qui tiennent leurs bébés.
Je me retourne vers l’arrière du bateau. L’équipage commence une fête. La nuit ne sera que bambochade. J’ai peur de continuer l’aventure, effrayé de constater que pour eux, les borderlines, ce ne sont que des balivernes.

 

Chapitre II

Carotte, cercle, Chili ou chili, castor, cage, camomille, caravane, casserole, chronique, carnaval, charivari, caravelle, chavirer et chocolat

Ce matin, tous ont des têtes desséchées, tels des légumes oubliés dans le coin d’une souillarde. Le charivari de la veille résonne encore dans mes oreilles, comme des échos oubliés, emprisonnés. Le capitaine rabroue quelques matelots affalés sur des caisses. La caravelle manque de lustre et des dégâts mineurs doivent être réparés au plus vite. Depuis la bataille, je n’ose plus ouvrir mon livre. Je me suis abruti d’eau de vie avec l’équipage, dansé et chanté dans un carnaval grotesque d’hommes grimés et enrubannés, singeant les dames légères des ports. Je voulais oublier, enfermer dans une cage les souvenirs sanglants de ce dernier jour. Je sais hélas que je dois rapporter ma chronique sur le cahier que le professeur Martins m’a confié. Et dire que je me suis porté volontaire ! Avant même de pénétrer dans le cylindre en verre et de tracer sur la tablette de cire les cercles du temps, je comprenais ma bévue et mon enthousiasme se réfrénait.
Nous avons pris le large à l’aube. J’accroche mon regard à la ligne d’horizon ; légèrement courbée et fondue dans l’abîme du ciel. Je sens une présence près de moi. Le second du capitaine, Mabrouk Cortes, vient s’accouder sur le parapet du pont avant. Il grignote une carotte ratatinée. Si je lui sortais « Quoiii d’neuf docteur ? », il ne comprendrait rien.
– Dans votre vie, vous n’êtes que professeur ?
Dans ma vie… Je suis un corps avec des cellules divisées. Ici et ailleurs.
– Je suis historien et j’enseigne à la Sorbonne. Une grande école. Je travaille aussi dans l’équipe du professeur Martins sur la théorie spatio-temporelle. Je suis un chercheur pas un soldat.
Comment expliquer à cet homme du XVe siècle, ma vie ? Je quitte le lointain et plonge mon regard dans le sien. C’est un sage, un érudit. Il parle couramment huit langues, dont le français et me sert d’interprète avec mon escorte. Il est d’ailleurs étrange qu’il ne soit que le second. Seuls trois hommes de ce navire connaissent « ma situation ». Ils ont été choisis par le Ministère de la Défense et les services du professeur Martins ; Malek Chaïd, le capitaine, Conrad McBern, le médecin, et Mabrouk Cortes, le second. Des mercenaires avec assez d’intelligence pour accepter le fait qu’une personne d’un autre monde vienne les visiter. L’enrôlement avait été difficile. Le rapt de ces trois hommes, propulsés dans le futur, avait été violent ; cinq mois pour les contrôler, les façonner, dans le secret le plus absolu.
– Et vous ? J’ai étudié votre dossier. Enfin, ce que vous avez voulu raconter… Nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour faire connaissance.
– Je ne suis pas comme vous. Mon passé et mon futur sont mon présent. Je ne demande rien. Je vis les jours qu’Allah m’accorde et je jouis de la vie.
Son regard perçant a la couleur de l’or. Jamais je n’ai vu des yeux de cette teinte. C’est chaud et envoûtant.
– Monsieur Cathelineau, désirez-vous une tasse de chocolat ?
Le médecin Conrad McBern, me fait sursauter. Nous avons sympathisé dès le premier jour de notre rencontre. Homme de médecine et de lettres, cela fait deux mois qu’il m’accompagne. Il n’appartient pas à l’équipage du Byzance et vient du XIXe siècle.
– Vous voulez faire chavirer mon estomac, Monsieur McBern ?
– Je vois que vous n’apprécierez pas le déjeuner du jour ! Un chili à la viande fumée de castor.
Aussitôt, une lame de fond partant de mes entrailles prend la vrille de mes intestins et remonte le long de mon œsophage pour s’échouer sur mes pieds.
Mon public part d’un grand éclat de rire, il ne manque plus que les applaudissements.
– Je crois que seule la camomille fera l’affaire pour aujourd’hui !
Et je reçois de Mabrouk Cortes une grosse casserole d’eau puisée dans le tonneau le plus proche.
Depuis deux jours, je ne cesse d’être baptisé. Sang, alcool à brûler et humeurs gastriques…

 

Chapitre III

Divin, dalle, diamant, désir, déliquescence, danse, démon, déclin, désamour, désespoir, daube, dévorer, diplomatique, druide et diatribe

Mon attention fuit le livre des rapports. Le capitaine m’a aménagé sur le Byzance, une cabine très confortable. Moi, si méticuleux et maniaque dans « mon monde », je suis dans cet antre lambrissé, un souillon faisant le désespoir du mousse attaché à mon service. Mon regard erre de mon lit éventré, à mon bureau englouti sous les cartes, aux piles de livres culbutées sur le plancher, pour s’immobiliser sur le chandelier et les flammes des bougies en déliquescence. J’ai à établir un compte-rendu de ma troisième semaine passée en mer et je n’ai aucune diatribe pour pimenter mon récit. L’ennui dévore mes jours et je n’ai qu’un désir, entendre Marco, le matelot italien, posté en haut du mat crier « Teeerra ! Teeerra, mio capitano !!! ».
La Méditerranée est notre route depuis la fuite de Constantinople et nous comptons passer le Détroit de Gibraltar dans les jours prochains, pour débarquer à Tanger. Là-bas, le capitaine est en affaires avec un négociant en épices.
Je suis perdu dans mes pensées, lorsque des bruits de bagarre venant du pont me dérangent. Il n’est pas rare que l’équipage se chamaille pour quelques broutilles. Je reprends mon stylo en essayant d’écrire enfin quelques mots, quand Conrad McBern entre précipitamment dans la cabine sans frapper.
– Pierre venez vite !
Il a une mine rieuse et son impatience frôle l’hystérie.
– Que se passe-t-il ?
– Il faut que vous veniez voir ! Je pense que cela vous concerne !
Je me précipite donc à sa suite, monte l’escalier et me retrouve sur le pont comme un diable à ressort sortant de sa boîte. Dans le déclin du jour, je vois Malek Chaïd menacer de la pointe de son sabre la gorge d’un homme acculé contre le bastingage, faisant sur la pointe des pieds des petits pas de danse pour ne pas s’embrocher. A ses côtés, Mabrouk Cortes, les bras croisés, garde une position calme et détendue. Se détournant du spectacle, il me sourit ironiquement…
– Monsieur Cathelineau, nous avons un nouveau passager.
– Mais… c’est qui ?
Le gargouillis émit par le clandestin ne répond pas clairement à ma question.
– Capitaine Chaïd, je vous prie de bien vouloir baisser votre arme.
Voyant ma requête vaine, je lance à Cortes, une mimique suppliante. Aussitôt, il dit quelques paroles en arabe à Chaïd qui, bien à contre cœur, fait lentement descendre la lame du cou au ventre.
– Cathelineau, c’est moi !
Je m’approche alors de l’intrus et reconnais immédiatement un des assistants du professeur Martins, Marcel Jouve, chargé des affaires diplomatiques entre les ministères de la Défense et de la Recherche.

– Monsieur Jouve ! Mais comment… quand… qu’est-ce que vous foutez ici ?
– Je suis envoyé pour vous délivrer un message. Ce mec est une daube ! Il n’a rien voulu savoir.
– Capitaine Chaïd, vous voyez bien qu’il est envoyé par Martins !
La situation est hautement délicate. Les hommes d’équipage commence à approcher. Comment leur expliquer cette arrivée impromptue ? Après une escale dans un petit port, nous avions repris la mer depuis une dizaine de jours. Les conversations fusent, les regards perçants sont agressifs.
Il faut trouver une solution et qu’elle soit très plausible ! Je ne veux pas que Jouve serve d’appât aux poissons.
Le capitaine prend la parole et s’adresse à l’assemblée. Certes, je ne comprends rien à son charabia, mais je suis presque soulagé lorsque quelques matelots éclatent de rire. Je dis bien presque, car d’autres me regardent avec répugnance. Cortes les fait se disperser avec autorité et les renvoie à leurs tâches. Mais avant de quitter les lieux, il m’adresse un petit air navré.
– Que leur avez-vous dit capitaine ?
Dans un français assez correct, Chaïd me dévoile…
– Je leur ai dit que vous aviez caché votre mignon dans votre cabine.
Je sens mon flux sanguin jaillir comme une bombe volcanique jusqu’au sommet de mon corps et perçois l’écho de son rire guttural. Je regarde Jouve qui se masse la gorge ; il ressemble à un rat.
– Je vous laisse Messieurs.
Sur une courbette, Chaïd part vers la proue. Conrad vient me tapoter l’épaule, avec commisération.
– Pierre, rassurez-vous, nous accosterons dans deux petits jours. Les gens du Bysance, vous ne les verrez plus. Quant à ce démon de Chaid, je pense qu’il a su désamorcer un gros problème qui aurait nui à votre voyage. Mais faites attention à lui, votre antipathie se manifeste trop et il risque de vous retourner votre désamour d’une façon que vous n’apprécieriez pas. Allez, moi aussi, je vous laisse ! Je file en cuisine renifler les marmites. Si vous avez besoin de moi, venez me chercher.
Sur un petit acquiescement de la tête, je le vois filer. Jouve s’approche. Il m’arrive à l’épaule. Il faut qu’on parle. Je fais l’impasse sur l’imagination galopante des gars du bateau lorsque je disparaîtrai avec Jouve dans ma cabine et lui intime l’ordre de me suivre.

– Je vous en prie installez-vous sur cette banquette. Poussez les livres…
Je fais un tour sur moi-même en cherchant une place pour la pile.
– Je ne vois que dalle. Peut-on éclairer plus ?
– Non, je suis désolé. Nous économisons les chandelles. Voulez-vous un verre de madère ?
Je nous sers deux bons verres et bois le mien cul-sec.
– Hum ! c’est divin, dit-il.
Une image s’impose à moi. Jouve s’étranglant avec sa boisson, pris dans des soubresauts d’agonie. J’aurais aimé être un druide et je l’aurais fait disparaître d’une formule. Finalement, mon ennui des derniers jours n’était pas si désagréable.
– Alors ?
– Nous avons un… un ennui. Si je suis ici, c’est qu’il est insoluble au XXIe. L’émir du Qatar sait tout de nos recherches. Un agent du Moyen-Orient s’est infiltré dans nos services. Donc, l’émir, par l’intermédiaire de son ambassadeur, nous propose un pacte. Si nous accédons à sa requête, il nous offre une belle part de ses concessions pétrolières. Si nous refusons, il dévoilera tout ce qu’il sait à notre sujet. Vous voyez Cathelineau, nous avons immédiatement accepté.
– Ben voyons !
– Dans quinze jours, une fête religieuse sera célébrée. A cette occasion, tous les dix ans, les trésors de l’émirat sont exposés. Une vraie caverne d’Ali-Baba. Seulement, cette année, une pièce est manquante. Le palais est en crise. Les coffres étaient sous haute surveillance.
– Et ?
– Et, vous allez être obligé de la retrouver.
– Mais comment ? Comment puis-je jouer à Sherlock Holmes sept cents ans plus tôt ? Vous vous adressez à la mauvaise personne !
– On ne vous demande pas de retrouver le voleur. On vous demande de subtiliser l’objet et de nous le ramener au XXIe.
– Ils sont fous !
– Vous êtes notre seul espoir. Martins a confiance en vous. De plus, vous êtes bien assisté.
– C’est quoi comme objet ?
– Il aurait appartenu à Mahomet. Les Ottomans l’auraient pris aux Portugais qui eux le détenaient du calife Ben Hamad de Meknès. C’est un pendentif connu sous le nom de Diamant du Nil.

Chapitre IV

Élixir, estival, évanescent(e), émeraude, évanoui(e), étincelle, élégie, écrevisse, éléphant, excédé(e), éventail, étreinte et eucalyptus

– Messieurs, si je vous ai réunis ici ce soir, c’est pour vous entretenir d’un sujet qui nous concerne tous. Je vois dans vos yeux des étincelles de curiosité…
C’est c’la, oui… Leur intérêt est aussi évanescent que la durée de vie d’un soufflé au chocolat et moi, face à mon assemblée de quatre personnes, je suis aussi embarrassé et incommodé que le jour de mon premier cours donné à La Sorbonne, sous le regard critique d’une centaine de personnes. Comment leur expliquer que nous avons de nouvelles directives, un nouveau cap ? Je suis le meneur d’un jeu de rôle…

1. Nous ne nous arrêterons pas à Tanger mais accosterons à Salé, la capitale des corsaires, des écumeurs des mers.
2. Nous leur confierons le Byzance et son équipage. Ayons foi en l’humanité !
3. Après avoir traversé plaines et montagnes à dos de dromadaire jusqu’à Meknès, nous rentrerons incognito dans le palais du sultan wattaside Ben Hamad, pour trouver le harem.
4. Nous rechercherons la favorite.
5. Nous lui volerons le Diamant du Nil.
6. Nous repartirons subrepticement, retournerons à Salé, reprendrons le bateau, donnerons le bijoux à Jouve et l’expédierons illico-presto dans le XXIe.

Je me retourne vers Jouve et cherche son soutien. Assis sur une malle, il essaie de se regarder dans une plaque de verre prêtée par Cortes, pour étaler sur le visage une mixture à base d’eucalyptus que Conrad lui a concoctée. Il est une précieuse se pommadant. Le soleil estival et les embruns salés lui ont donné une carnation rouge écrevisse. Depuis la veille, je suis excédé, je ne le supporte plus.
– Jouve !
Sursautant à son nom, il fait tomber le miroir et le pot de crème, provoquant le rire mordant de Chaïd. Nous sommes tous dans la cabine du capitaine, l’atmosphère est lourde, suffocante. Je prends une feuille de papier et m’en sers d’éventail.
– Capitaine, je voudrais savoir si vous connaissez quelqu’un qui serait susceptible de nous faire un plan de Meknès ? Savoir où situer la médina, la grande mosquée et le palais.
– Oui, je connais une personne.
Avachi dans un fauteuil, les pieds sur le plateau du bureau, il s’amuse à manipuler une pierre émeraude entre ses doigts. Je ne me fie pas à sa nonchalance, je sais qu’il est pire qu’une hyène.
– Et où est cette personne ?
– Elle est ici, dit Cortes.
Je me retourne vers le second. Il a un rictus, un semblant de sourire qui s’évanouit aussitôt.
– J’ai vécu à Meknès.
Il se lève et se sert un élixir ambré qu’il sirote avant de continuer.
– Pourquoi ce plan ? Vous désirez vous y rendre ?
Il fait chaud, je me sens lourd comme un éléphant. Je lui demande de me servir un verre, j’en ai besoin. Depuis une semaine, l’alcool est un réconfort, une étreinte rassurante.
– Nous avons un problème… et je déballe tout. C’est une élégie entrecoupée de gorgées apaisantes et ponctuée de va et vient à travers la pièce. Au point final de mon monologue, j’ose enfin les regarder, Chaïd, Cortes et Conrad ; Jouve s’étant isolé à l’extrémité de la cabine. Je ne sais pas comment analyser les traits de leurs visages. Ils ont tous trois la bouche grande ouverte. Cela ne doit pas être de bon augure.

Chapitre V

Firmament, feu, fantasques, fauve, faon, fascination, frénésie, frimas, fond, foule, fièvre, fariboles, farandole, fakir et fricadelle

Nous sommes face aux portes de Meknassa.
La veille, nous sommes arrivés éreintés et couverts de poussière. Les portes de la cité étaient barrées pour la nuit et nous avons, avec d’autres nomades, préparé un bivouac sous le firmament étoilé. Après avoir grignoté de la viande séchée et deux galettes cuites sur une pierre plate volcanique placée dans les braises d’un feu, je me suis lové dans mon burnous à même le sol de notre tente, pour sombrer dans un sommeil entrecoupé de rêves fantasques. Un fauve, enrubanné de voiles, avec des yeux de faon noircis au kohl, me regardait avec fascination monter dans une voiture à pédales. Je voulais le fuir, mais le sable m’empêchait d’avancer et je commençais à m’enliser. J’essayais de laper l’air avec frénésie comme si je m’abreuvais à une gourde, lorsque je reçus un coup dans le dos. L’aimable Chaïd me réveillait ainsi de son pied depuis une semaine ; un voyage de cent cinquante kilomètres de pistes sableuses et pierreuses, sous un soleil enflammé. Nous ne sommes qu’au début du mois de juillet et les températures atteignent déjà les quarante cinq degrés. J’arrive à me languir d’une autre saison, avec ses frimas.
Je sors de notre douar, courbaturé, la peau du visage parcheminée tel un vieillard en fond de vie. Le soleil commence à faire surface, l’aube s’étale sur le plateau de Saïs et lève les ombres des fortifications de la médina. Je n’ai pas vu à notre arrivée, les nombreuses personnes qui se sont amassées aux pieds de la forteresse. En cette heure très matinale, une foule s’agglutine et attend l’ouverture des portes. En grande majorité, comme je peux le distinguer suivant leurs chargements, elle se compose de commerçants, d’artisans et de paysans. J’observe une bédouine courant derrière un coq, lorsque McBern me rejoint.
– Bonjour, Pierre.
Il me tend une tasse de thé que je prends avec gratitude. Le breuvage est chaud et sucré au miel, une véritable quintessence qui m’est devenue indispensable pour entamer la journée. Je sais que le café doit faire son apparition dans ce siècle, car j’en ai parlé avec Cortes qui songe à en faire le négoce. Il s’est délecté des graines de caféier dans le port de Moka au Yémen et depuis, souhaite acheminer le k’hawah le long du Nil pour le répandre dans tous les Pays Arabes, ainsi qu’en Europe. Je lui ai prédit succès et fortune…
– Merci beaucoup Conrad. Je me sens cartonné aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur !
– Patience Pierre ! Dans une petite heure, nous nous retrouverons dans cette maison que Cortes connaît si bien ! Vous serez entre les mains expertes d’une donzelle. Elle va vous récurer, vous lustrer et assouplir votre peau comme jamais vous n’avez été. De la tête aux pieds, en passant par les points stratégiques. Elle va vous ragaillardir et vous allez vous tendre comme…
– Taisez-vous Conrad ! Vous me donnez de la fièvre !
– Quel nigaud, ce Jouve ! Il va louper le meilleur de la mission ! murmure-t-il dans un hochement de tête.
Si Jouve est resté à Salé sur le Byzance, c’est surtout pour éviter le pire, et les fariboles coquines de Conrad ne l’en n’ont pas dissuadé.
Légèrement à l’écart du campement, nous sommes tous les deux spectateurs du paysage et de la farandole de gens qui commence à se déplacer. Ce tableau me fait penser à la cinéscenie du Puy-du-Fou en Vendée. Chaque personnage a une tâche et conduit sa vie indépendamment du voisin, mais leurs gestes sont synchronisés et présentent une superbe chorégraphie. Sur une bute herbeuse, assis en tailleur, un fakir en pagne prie. Ses mains ouvertes vers le ciel, semblent offrir ou recevoir une énergie.
– Vous êtes prêts ?
Cortes vient nous chercher. Cet homme m’intrigue, il est un mystère. Dans le rapport qui retrace son identité, seules quelques petites annotations ridicules figurent. Ce matin, nous ne pouvons distinguer que ses yeux, le reste de son anatomie disparait sous une djellaba blanche et un chèche indigo. Sa silhouette est encore plus impressionnante ; élégante et racée, secrète et spectrale. Il a passé dans les plis de sa ceinture un fouet et un cimeterre.
– Chaïd, nous attend. Nous mangerons dans la casbah de mon ami Abdel. Il aura dû faire préparer des mirqâz avec des trifolas.
– Ce qui signifie ?
Je dois avoir le même air un peu niais que Conrad. Les yeux de Cortes se ferment à moitié, il doit sourire largement derrière sa tenture.
– Une saucisse de mouton avec des tubercules frits venus d’Espagne.
– Ah ! une fricadelle !
Aussitôt, l’image de ce plat me fait saliver.

Chapitre VI

Aspirer, flotter, perdition, cap, sillage, bouteille, iceberg, vent, déambuler, bateau, continent, flots, amiral, génétique, sentiment, débarquer, faille… et myrte, malhabile, muraille

Je suis las de ce voyage à bord du Bysance.
La caravelle trace un sillage blanc, laissant déambuler des petits icebergs d’écume. J’ai le sentiment que ma perdition est à la mesure d’un continent à la dérive, prêt à sombrer dans la mer. Le crissement des cordages répond aux cris aigus des mouettes. Nous distinguons un horizon encore malhabile, sorte de mirage longiligne frémissant entre cieux et flots. Dans moins de deux heures, nous débarquerons dans le port d’Ajaccio pour rencontrer l’émissaire du professeur Martins, l’amiral de Fleuris, à qui je devrai remettre mon rapport accompagné d’une pochette en velours ; un poids en carat.
La faille temporelle a eu une faiblesse et nous ne devons prendre aucun risque.

Nous avions quitté Meknassa et le palais du sultan Ben Hamad depuis plus de trois semaines. J’avais arrêté mes derniers récits aux portes de la cité alors que nous étions accueillis par Abdel, l’ami de Cortes. A l’abri derrière les murailles, nous étions épargnés par le vent du sud qui charriait un sable rouge, recouvrant les vestiges de notre caravane et les dernières traces d’humanité dans le désert. Je ne songeais qu’à la pierre du Nil ; une obsession qui commençait à dévorer mes nerfs. Les plans pour accéder au harem m’avaient été remis, ainsi que des armes et une tenue de la garde du califat. Nous devions ne pas perdre de temps et programmer l’action à la faveur de la nuit. Le capitaine Chaïd avait perdu son persiflage et semblait moins fier. Je n’étais pas mesquin, ni suicidaire, de le traiter de couard, mais il puait la peur. Conrad ne devait pas participer, il avait la charge de garder les chevaux prêts pour notre fuite. Quant à Mabrouk Cortes, il était fidèle à lui-même. Je crois bien que mon admiration pour son sang-froid était à son point culminant !

La journée s’était parée d’un malaise latent et de silences crispés. Les élucubrations de Conrad étaient remisées au fin fond de mes pensées et je n’avais plus le cœur à les fantasmer. Je n’aspirais qu’au lendemain, revoir le jour et donner à ma génétique une longue et heureuse vie ! Je flottais dans une torpeur qui frôlait l’inconscience, mais il aurait été malvenu de m’évanouir. Après cette mission, les vacances seraient de rigueur et peut-être m’offrirais-je une démission…

Je suis sur le pont arrière du bateau et je ne peux me remémorer cette aventure sans en éprouver l’angoisse qui depuis est enracinée en moi. Deux semaines de fièvre et de délires, à me tordre sur ma couchette, à recevoir les soins maternels de Conrad, la compassion de Cortes, à perdre une à une mes dignités en me vidant du haut et du bas, à frémir au moindre bruit et à ingurgiter les mixtures infâmes, additionnées de  vin de myrte pour en masquer le fiel.
Le Diamant du Nil a sa légende et je peux affirmer qu’elle n’est pas usurpée !
« La pierre ne s’arrache que si elle s’entache du sang d’un lâche. » … Le sang a coulé.
J’ai passé les deux derniers jours à écrire un témoignage incomplet. Boire au goulot des bouteilles pour oublier, m’enlever de la tête l’image de Chaïd et Jouve crucifiés.

Nous avions attendu les premières ombres de la nuit pour nous rapprocher de l’enceinte du palais. Les remparts étaient imprenables, il fallait donc ruser et passer en même temps que la relève de la garde extérieure. Lorsque Cortes avait soumis l’idée, j’avais éclaté de rire ! Était-ce si simple ? Seul son regard hermétique m’avait dissuadé d’en savoir plus.
Le premier sang versé, fut celui de trois gardes. De gauche à droite, la lame de Cortes a glissé en douceur. C’était pour moi quelque chose de surnaturel. Je n’en confierai pas plus dans ces écrits. La suite m’apparaît à ce jour irréelle, quelque chose de chimérique.  Je me dédoublais et mettais mes pas dans ceux de Cortes et de Chaïd. La formation que j’avais suivie sur une base militaire était plus théorique que pratique. J’aurais dû faire un stage commando.
Après avoir caché les corps, nous laissions la médina pour nous engager dans le dédales des cours intérieures. De jardins, en patios, nous mettions le cap sur des cloîtres plus privés, sans rencontrer gardes ou serviteurs. Je bénissais les fortunes du hasard.

– Pierre, vous allez mieux ?
– Oui, mon ami. J’avais besoin d’air.
Conrad s’inquiète de ma santé comme une mère. Son regard se porte également sur la côte corse. Que serais-je sans leurs soutiens ? Par deux fois, ils m’avaient sauvé.
Sa présence m’apaise, me sécurise. Lui aussi écrit ses mémoires, j’ai vu ses carnets. Il fallait que nous confessions nos tourments.
Une tour génoise se dessine, ainsi que la forteresse qui met en garde les Barbaresques. Kallyste ! elle est vraiment la plus belle…

 

Chapitre VII

Gens, survivre, univers, découverte, terre, partage, bonheur, macrocéphale, cultures, tour, astral, grandeur, mer, extraterrestre, envahisseur, animal, mappemonde,  journal, pluriel, couleur, parallèle, fin, guerre et nymphe, néant, négliger

Ajaccio, août 1453,

Je m’aperçois que j’ai adopté la démarche d’un vrai matelot ! Je tangue sur terre.
Il fait très chaud. Je ne supporte plus l’habit, le tissu gratte.
Dans le couloir exigu et sans fin, je suis un domestique dont la livrée arbore les couleurs rutilantes de la ville ; azur, argent et or. De couloirs en pièces, nous traversons une cour pavée d’une superbe mosaïque qu’animent les borborygmes d’une fontaine ; une nymphe en marbre verse son amphore dans le bassin.
– Signore… volete aspettare qui ?
– Grazie.
Pour la énième fois, je tâte mon pourpoint. Sur le côté, dans une poche intérieure, j’ai le diamant et une liasse de feuilles. J’ai hâte de m’en séparer. Mon regard erre dans la pièce. C’est un bureau avec de hautes fenêtres étroites qui disparaissent derrière de riches tentures. Comme dans les autres appartements du palais, le luxe impose. Je me dirige vers une mappemonde qui me stupéfie. Il me semble que l’objet ne doit apparaître que cinquante ans plus tard. Le globe est un monde décoré d’univers fantasques avec des mers peuplées d’étranges créatures extraterrestres. Des cachalots macrocéphales tenus par des sirènes chevauchent des flots. Le bois est précieux et s’orne de quelques incrustations nacrées et dorées. Ce genre de découverte me réjouit. Curieux, je poursuis mon exploration vers les bibliothèques, ne voulant rien négliger de ses raretés. Une collection d’animaux en ivoire s’étale en procession sur une étagère. Sur une autre, des émaux racontent le chemin de croix du Christ. Les miniatures sont admirables par leur précision et leurs teintes. Je vais vers des enluminures et une carte encadrée qui représente les voies astrales,  lorsque la porte s’ouvre.
– Pierre !
– Alex.
Il m’est difficile de reconnaître en cet homme, mon ami d’enfance. La distance qui nous sépare disparaît en une étreinte chaleureuse.
Je le détaille… il a le visage plus émacié, un regard noir et une petite cicatrice sur la tempe. La dernière fois que nous nous étions vus, c’était il y a cinq ans. Il avait eu une permission de trois mois, hors des mondes parallèles qu’il fréquentait depuis son enrôlement. Je l’avais rejoint dans son château en Bretagne et nous avions longuement parlé de la grandeur du siècle qu’il venait de quitter, des guerres qu’il avait menées à bord de L’Envahisseur, le bateau amiral, et de ses conquêtes féminines.
– Amiral Alexandre de Floris… c’est un bonheur de te voir ! Cette chemise à soufflets te va bien ! Je ne suis pas aussi élégante que toi…
Un sourire s’esquisse sur ses lèvres et d’une chiquenaude, fait tomber ma coiffe en feutrine.
– Pierre, tu m’as manqué ! Moi aussi, je suis enchanté de te voir. Viens t’asseoir…
Alors qu’il se recule et se dirige vers un fauteuil, je remarque sa claudication et son dos voûté. L’ami, que t’est-il arrivé ? Ta voix paraît hésitante et tes yeux renvoient au néant.
– Tu es bien logé ! Le cadre est magnifique et tu as à ta disposition des trésors. A qui appartient le palais ? Les ancêtres de Napoléon ? de Tino Rossi ?
– Ah ! quel historien tu fais ! Nous sommes bien éloignés de tes références, n’est-ce pas ?
Non, le château appartient à l’Office de Saint-George. Ils ont des finances inépuisables !
Nous parlons de reconstruire la ville ailleurs, avec une forteresse et des tours sur la côte. Je vais les aider. Tu sais que ma première passion est l’architecture !
– Et vois-tu toujours la belle espagnole ? Comment elle s’appelle déjà… Maria, Isabella, Annunziata ?
– Pierre, tu es resté romantique ! L’amour, je le définis au pluriel !
– Tu fais des heureuses ! Et Sigismond, ton secrétaire ? Tu partages toujours avec lui tes mémoires en plus des faveurs de ces dames ?
– Il est mort.
– Je suis navré.
Le silence envahit la pièce, donnant à l’atmosphère une lourdeur palpable. Sigismond avait été recruté au XVIIIe siècle. Il avait le raffinement de son époque et l’esprit des Lumières. J’avais beaucoup aimé converser avec lui et je savais qu’Alex était fortement atteint par le décès.
– Que s’est-il passé ?
– Je ne veux pas en parler Pierre. S’il te plaît.
Alex se perd dans le verre qu’il se sert. Il ouvre plusieurs fois la bouche mais aucune parole n’en franchit le seuil. C’est la première fois que je le vois si désemparé. Le temps des confidences viendra plus tard… peut-être ce soir lors d’une partie d’échecs. J’avais trois jours à lui consacrer.
– … Raconte-moi ce mois passé sur le Bysance ! Tu t’habitues à tes gens ? Et Jouve ?
Je prends le verre de vin qu’il me tend et je m’écroule dans un fauteuil capitonné. Je ne sais pas comment aborder mon récit. Jouve… je ne peux m’empêcher d’éclater de rire. Les nerfs craquent et je m’effondre à mon tour dans un silence abyssal.
Alex lève un sourcil et tord la bouche. La vie de ses sourcils m’a toujours épatée.
– Donc, Jouve ?
– Jouve !
– Oui !… Marcel Jouve ! Assistant de Martins, celui à qui tu devais remettre ton journal et la pierre du Nil.
– Ouais… ben, il est avec Chaïd, le capitaine du bateau.
– Et ?
– Et… et… ils sont tous deux dans une orangeraie près de Meknès.
– Ils se lancent dans les cultures ?
– Vu ainsi, c’est vrai que l’idée est plaisante.
– Mais ce n’est pas ça ?
– Non, c’est pas ça. Ils y sont enterrés.

Il va bien falloir que je lui raconte la mission et la trahison des deux lascars.

 

Chapitre VIII

Aquarelle, voyelle, mirabelle, maternelle, stèle, éternel, bretelles, ribambelle, infidèle, dentelle, cannelle, passerelle, balancelle, ritournelle

Dans ma chambre, appuyé contre le chambranle de la fenêtre aux persiennes à moitié fermées, je regarde la rue pavée. Les sons montent et offrent une cacophonie mal orchestrée… le bruit des attelages, des sabots des chevaux, les cris des camelots, la ritournelle d’un jeune ouvrier qui monte un étal devant l’échoppe d’un boulanger, pour la belle infidèle qui lui apporte une brioche sortie du four, et toute une ribambelle d’enfants qui se courent après, c’est un matin déjà bouillonnant et fiévreux.
Je viens de terminer le rapport de la journée d’hier en revivant l’instant où j’ai appris à Alex les fourberies de Jouve et de Chaïd. Les deux traîtres avaient convenu de nous subtiliser le joyau avant de regagner le bateau, mais la garde du khalifat lancée à nos trousses les avait attrapés et tués. Cachés chez un ami de Cortes, nous n’avions pu les enterrer que deux semaines après, alors que leurs corps suspendus étaient comme de la dentelle, avec sa trame fragile et ajourée. Une nuit, j’avais laissé le soin à mes amis de décrocher les corps et de creuser une sépulture. Un repos éternel sans stèle, anonyme, loin de leur terre maternelle.
A ce jour, je ne sais toujours rien de leur complicité, et un millier de questions viennent me tarauder l’esprit. Je ressors de ma poche un billet écrit par Jouve que j’avais retrouvé dans les affaires de Chaïd. Un texte sans voyelle, impossible à lire, impossible à déchiffrer. Ce morceau de papier attestait du caractère réfléchi de leur mission et je comptais bien en savoir un peu plus…
Un doux ronron vient me sortir de ma torpeur. C’est la chatte d’Alex, Mirabelle, qui le précède toujours en annonçant la venue de son maître. Je m’empresse donc de m’habiller et j’en suis à remonter mes bretelles quand Alex pousse la porte.
– Tu as bien dormi ?
Je découvre mon ami bien mieux que la veille et j’en suis ravi. Notre soirée passée à nous rappeler des jours heureux lui a fait le plus grand bien.
– Oui, j’ai dormi comme un loir ! Et ça ne fait qu’une petite heure que je suis réveillé. Je mets ma veste et je te suis…
– Ne te presse pas, nous avons toute la matinée. J’ai transmis ton journal et le diamant à un agent qui a pris une passerelle spatio-temporelle, à l’aube. J’espère que Martins les recevra dans les temps.
– Tu as un peu cogité sur la trahison de Jouve ? Crois-tu qu’il était seul aux commandes ? C’est quand même incroyable !
– Je n’en sais fichtre rien ! Jouve était certainement un pion. Son intelligence n’était pas très brillante !
– Que faisons-nous ce matin ? Je dois retrouver Conrad et Cortes cet après-midi.
Alex rit et me fait signe de le suivre.
Dans le labyrinthe du palais, nous passons de salle en salle pour arriver dans son bureau. En barrant sa bouche de son index pour me dire de me taire, il me fait approcher d’une fenêtre ouverte et m’invite à voir la vue qui surplombe un jardin. Le tableau est beau, on dirait une aquarelle. Les frondaisons fleuries aux douces teintes sont le décor d’une scène amoureuse. Sur une balancelle, deux silhouettes enlacées sont en murmures et en baisers. Une jeune femme à la peau cannelle, ploie sous le corps d’un amant.
Ne pouvant retenir un rire franc qui les dérange, le ténébreux Cortes lève la tête et me fait un clin d’œil.
De notre mission, nous avions ramené les deux plus beaux joyaux de la cité de Meknès ; le Diamant du Nil et la sœur du sultan, la belle Jasmina.

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6 réflexions au sujet de « Récits décousus d’un naufragé du temps »

  1. Ping : Récit décousu d’un naufragé du temps | Les facéties de Ceriat

  2. Ma chère Syl,
    je ne sais plus où j’habite… Suis comme d’habitude débordée pas eu le temps de lire.. te rends -tu compte que je n’ai lu que deux livres dont un était en relecture d’Anne Perry Vocation Fatale et je ne sais même plus si c’était pour le challenge ou pour la lecture commune. et pas de Nicolas le Floch non plus.
    Demain je fais mon billet… Mais quand même le dernier Monk est sorti et il est assez surprenant… Compte rendu demain promis juré….
    Dès que je reviens de vacances, résolution n° 1 remettre de l’ordre dans mes challenges.
    avec le sourire

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