Le prix de l’orgueil

LogopolarsthrillerssharonUn livre offert par les Éditions 10/18, dans le cadre des Masses Critiques Babelio

Challenge polars de Sharon

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Le prix de l'orgueilLe prix de l’orgueil
Anne Perry

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Londres, vers les années 1910,

Daniel Pitt est le deuxième enfant de Charlotte et Thomas Pitt. A vingt-cinq ans, il est un avocat qui commence à se faire une belle notoriété et travaille dans un grand cabinet tenu par le directeur Marcus fford Croft. Dans cette affaire, il est confronté à la mort d’un proche, l’avocat Jonah Drake, dont le corps a été découvert dans le quartier mal famé de Mile End, dans l’East End. Criblé de coups de couteau, le visage presque défiguré, Daniel est appelé à la morgue pour le reconnaître. Que s’est-il passé et que faisait-il là ?
Le défunt était un avocat talentueux qui gagnait la plupart de ses affaires en évitant la pendaison à ses clients. Il était un homme distant, discret, secret, pas facile à approcher, et Daniel le connaissait peu, mais avec son ami et collègue Toby Kitteridge, il reprend les dossiers de Drake pour savoir si l’un d’eux ne serait pas à l’origine de sa mort.
Deux affaires retiennent son attention et après s’être renseigné, il décide d’orienter son investigation sur le cas Evan Faber qui avait été accusé d’avoir tué sa maîtresse en la rouant de coups. Evan est le fils d’Erasmus Faver, un armateur riche et puissant qui est en relation étroite avec le gouvernement. C’est donc à pas feutrés qu’il devra enquêter et demander conseils à son père Sir Pitt, directeur de la Special Branch.
Crime de vengeance ou crime commandité par la concurrence, les pistes sont minces et très vite d’autres mobiles apparaissent en mettant dans la ligne de mire Marcus fford Croft susceptible d’être impliqué dans des subordinations de témoins, des malversations, de la corruption et du chantage… Mais à la mort d’Evan, assassiné lui aussi à l’arme blanche, il est difficile pour Daniel de tout concilier et de trouver le point convergeant de l’histoire, un mystère qui l’envoie du côté de Whitechapel sous la juridiction de l’inspecteur Litterman…

Ce quatrième tome de la série Daniel Pitt est un bon cru. L’auteur prend son temps (beaucoup de temps) pour dérouler l’intrigue et l’étoffer de plusieurs indices menant à de différentes trajectoires. Nous avons le plaisir de retrouver Charlotte et Thomas qui ont des rôles très actifs et qui entourent leur fils d’attentions aimantes et protectrices, car Daniel qui cherche à gagner son indépendance et à tracer son chemin sans l’aide paternelle, sollicite malgré tout souvent leurs conseils.
Avec cette série, nous sommes projetés dans la deuxième décennie du XXème siècle. De l’époque des sagas Monk et Pitt, la condition de la femme n’a guère évolué et l’East End est toujours un endroit miséreux, crasseux et coupe-gorge. On lit toutefois une avancée dans différents domaines (les premières automobiles et le relevé des empreintes digitales dans les enquêtes).
Anne Perry ne faillit pas et nous livre encore une fois un bon roman policier… A suivre !

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La chronique des Bridgerton

Un livre offert par les Éditions J’ai Lu et Babelio dans le cadre des Masses Critiques.

 

La chronique des Bridgerton
Daphné et le duc, Tome 1
Anthony, Tome 2
Julia Quinn

 

Après le succès de l’adaptation télévisée sur Netflix du livre de Julia Quinn, « Daphné et le duc », les Éditions J’ai lu ont réédité La chronique des Bridgerton dans un volume qui regroupe les deux premiers tomes, parus pour la première fois en 2000 et sortis plus tard en France dans la collection Aventures et Passions. En treize ans, l’auteur a écrit une série de onze tomes qui retracent dans la haute société de la Régence anglaise, les amours d’une fratrie de huit enfants ; quatre garçons et quatre filles.

Lady Violet Bridgerton, veuve depuis quelques années, a la lourde charge de veiller au bien-être de sa famille et de mener à bien les mariages de ses enfants. Ayant laissé à la mort de son mari la gestion de leur patrimoine à son fils aîné, le vicomte Anthony, elle se dévoue dans l’immédiat à Daphné qui a l’âge d’être courtisée et présentée à la cour. C’est la saison des bals, les jeunes célibataires se mettent en quête de trouver un mari, une femme, et Daphné, débutante accomplie, est la jeune fille la plus convoitée.
Il règne dans la demeure une joyeuse effervescence et si Daphné se prête au jeu des préparatifs avec complaisance, au plus secret de son cœur, elle rechigne à n’être qu’une proie pour des jeunes rapaces, et rêve de trouver un amour sincère.

L’actualité de cette aristocratie se partage entre les évènements mondains et les commérages sur une certaine lady Whistledown qui écrit des articles dans le journal La Chronique Mondaine. On ne sait rien de cette journaliste ou de ce journaliste et le mystère sur son identité alimente les discutions. Sur un ton humoristique, elle raconte l’intimité de la haute société avec beaucoup de piquant, son encre est parfois du vitriol, et chose surprenante, elle semble connaître les cachotteries des uns et des autres. Dans son dernier billet, elle annonce le retour du duc de Hastings, Simon Basset, qui avait quitté l’Angleterre après s’être disputé avec son père. Revenu pour prendre son titre à la mort de son géniteur, Simon va être l’un de ses sujets favoris… (avec Daphné).

Julia Quinn écrit dans son prologue les raisons pour lesquelles Simon a fui son père. On sait alors qu’à sa naissance sa mère mourut et que sa petite enfance ne fut pas heureuse avec un père violent et très sévère. Le rejet a pour origine le bégaiement de Simon. Doté d’une intelligence peu commune, beau et fort, le petit garçon aurait pu être la fierté de sa famille, mais son « handicap » ne fut jamais accepté. Confié aux soins d’une gouvernante aimante qui fut pour lui une mère de substitution et qui lui apprit à bien respirer et à bien articuler, c’est à l’âge de onze ans que Simon se sentit capable d’affronter le duc. Mais c’est aussi à cet âge, qu’il prit conscience de l’inanité de son espoir… se faire aimer. En arrivant au château, il eut la surprise d’apprendre que pour tous, le jeune lord Clyvedon, héritier du duché, était mort. La confrontation avec son père fut une douleur supplémentaire et radicale car à compter de ce jour, le jeune Simon prit la décision d’être « l’exact opposé du fils désiré ».
Une jeunesse agitée, noceur et briseur des cœurs,  le nouveau duc de Hastings a une sacrée réputation et pourtant, après une absence de six années passées à l’étranger, sa présence est recherchée car il est resté un homme intègre et bon. Fidèle en amitié, c’est avec une grande joie qu’il retrouve et renoue avec son meilleur ami d’Oxford et d’Eton, le vicomte Anthony Bridgerton, qui lui conseille de se montrer pragmatique en acceptant son héritage.

Les préoccupations des deux amis sont très différentes ! L’un est dans les souvenirs malheureux des relations avec son père et encore habité par la haine, et l’autre ne sait comment guider sa jeune sœur Daphné face à ses soupirants.
Bien que toujours souriante et enthousiaste, Daphné ne peut cacher à son frère ses véritables sentiments. Lasse, elle doute de ces damoiseaux si fades qui viennent la voir. Et ceux qu’elle trouve attirants n’osent pas s’approcher de peur de contrarier les frères Bridgerton.

Réunis en certaines occasions, bals, visites de courtoisie et promenades, Daphné et Simon vont se découvrir, sympathiser et conclure un pacte. Simon se plaint d’être poursuivi par les mères qui désirent avoir pour gendre un duc, et Daphné se plaint de ne pas avoir un véritable galant. Un complot assez fou germe dans la tête de Daphné qui lui propose des fiançailles de pacotille pour éloigner les marieuses et signifier que la demoiselle Bridgerton n’est pas si inaccessible…

A jouer avec le feu, on se brûle… et les deux jeunes gens vont être obligés de se marier. De la passion à l’amour, le chemin est plein d’embûches mais l’histoire sera belle.

Ce premier tome est plaisant à lire mais la romance a des passages assez critiques. Les obsessions de Daphné et du duc les conduisent à des actes peu honorables. Ça pourrait pimenter le scénario, mais à bien réfléchir ce n’est pas terrible…
Il faut donc s’attendre à lire une histoire romanesque légère et enflammée, qui charmera surtout la lectrice avec ses personnages secondaires et cette mystérieuse lady Whistledown qui ne dévoilera son identité que dans le quatrième tome.

Dans le second tome, c’est l’histoire d’Anthony qui est racontée.

Anthony prend la charge de sa famille à l’âge de dix-huit ans lorsque son père le vicomte décède. Aîné de la fratrie, il essaie d’être également le père manquant pour ses frères et sœurs, ainsi qu’un soutien infaillible pour sa mère.
Sa personnalité est complexe et double car il est tiraillé par ses devoirs de vicomte, l’image de droiture qu’il doit donner en exemple, et son tempérament de jouisseur. Traumatisé par la mort de son père à l’âge de trente-huit ans, il a la désolante idée que la vie est courte et que le grand amour n’est pas à la portée de tous.
C’est donc sans grande illusion qu’il décide un jour de se marier pour engendrer un héritier et qu’il jette son dévolu sur Edwina Sheffield, une jeune fille de dix-sept ans qui se lance dans le monde chaperonnée par sa sœur Kate.

Lorsque Kate Sheffield voit sa cadette danser au bras du vicomte de Bridgerton, c’est tout un chapelet de synonymes du mot « débauché » qui lui vient à l’esprit. Elle verrait plus un gentil mari pour Edwina, gentil et lettré, qui lui parlerait de littérature et lui réciterait de la poésie. Mais c’est sans compter la détermination d’Anthony qui voit en Edwina la mère parfaite de ses futurs enfants et qui adore encore plus faire enrager Kate.
Anthony s’applique à montrer ses meilleurs atouts et son charme fait des ravages. Il connaît bien les jeux de la séduction, et pourtant l’engrenage s’enraille quand son esprit songe à Kate… la belle et désirable Kate.
Un petit séjour à la campagne, dans la maison ancestrale, en compagnie des demoiselles Sheffield  pourrait bien redéfinir les choses…

J’ai trouvé cette suite bien plus attrayante que le premier tome et pourtant l’histoire n’a rien d’original, mais lorsqu’on lit ce genre de romance, on n’en demande pas plus… Il est marrant de lire les tourments amoureux d’Anthony et de voir son personnage évoluer et s’abandonner à Kate.
Je tiens à préciser que cette saga a été écrite il y a plus de vingt ans et que la plume de l’auteur serait peut-être différente aujourd’hui.
Je suivrai avec plaisir les prochaines histoires qui raconteront les amours de Bénedict et de Colin Bridgerton.

 

Edmund Blair Leighton

 

 

 

Le Viking qui voulait épouser la fille de soie

Décembre nordique avec Cryssilda (Suéde)

 

Le Viking qui voulait épouser la fille de soie
Katarina Mazetti

Au Xe siècle,


Sur Möckalö, une île du sud de la Suède, nous faisons la connaissance de Säbjörn, un constructeur de bateau qui vit dans sa ferme avec ses deux fils, sa belle-sœur et ses esclaves. Sa femme et mère de ses enfants est partie sans donner d’explications, mais tous espèrent qu’un jour elle reviendra. Avec cette disparition Säbjörn qui était avant tout un homme de paix, devient plus ombrageux et violent. Sa douleur se reportant sur son fils aîné, Svarte qui ressemble physiquement à sa mère, il accorde toute son attention et son affection à son fils cadet, Kare. Grâce à Arnlög la volvä, la tante qui a un don de divination, qui parle aux oiseaux et qui tient le rôle de guérisseuse, la famille reste unie mais au fil des ans, alors que les garçons grandissent, les liens se délitent. Svarte, l’intrépide, le fougueux, le jaloux, et Kare, le rêveur, le terrien, le bon, aspirent à découvrir le monde en cherchant l’aventure au-delà des mers. Vers leurs seize ans, la tête pleine de rêves de négoces et de richesses, l’un après l’autre, ils quittent le giron de leur île pour d’autres contrées.

A Kiev, Chernek, un riche marchand de soieries, vit dans son palais avec ses deux enfants, Radoslaw et Mika. L’aîné, élève militaire, s’imagine participer à d’illustres batailles et conquêtes aux côtés de l’homme qu’il admire, Sviatoslav le Grand-duc, et la cadette souhaite quitter les murs sécurisés et somptueux de sa demeure pour accompagner son père dans ses voyages à Constantinople. Pour la consoler, Chernek se montre toujours très généreux avec elle et lui offre pour ses dix ans, deux esclaves, des gamines venues de continents lointains ; Poisson d’or aux yeux étirés et Petite Marmite à la peau d’ébène. Les trois enfants qui grandissent ensemble, deviennent inséparables et leur amitié va dépasser le statut maître-esclave.

Un jour, tous ces personnages se rencontreront. Chernek part pour ses commerces en laissant sa fille à Kiev. Mais lors d’un conflit, la ville est attaquée, pillée, et Radoslaw, Mika, Poisson d’Or et Petite Marmite sont faits prisonniers par l’un des assaillants qui se trouve être le capitaine Svarte. Plus protecteur que geôlier, le viking les ramènera de l’autre côté de la Baltique, dans l’île de son père, où chacun œuvrera à sa destinée.

Katarina Mazetti conte leurs vies d’une écriture belle et émouvante. Récit très intéressant sur la grande Histoire, sur les civilisations, les croyances, récit épique, récit de voyages, récit d’amours, les mots nous tiennent captifs et nous mènent au cœur de ce siècle en pleine mutation. Les deux univers, l’un d’une île scandinave à la société rustique, guerrière et paysanne, et l’autre d’un empire florissant, riche et raffiné, se confrontent et s’unissent. Il y a un peu de Dumas dans ces histoires passionnantes et romanesques, très enlevées.
Un roman à recommander, qui fut une belle surprise…

Un autre avis chez Nahe,

 

 

 

 

La crique du Français


Mois anglais avec
Lou et Titine
Challenge Petit Bac avec Enna
Une lecture commune avec Fondant-Grignote

 

 

La crique du Français
Daphné du Maurier

 

Au temps de l’histoire de La crique du Français, le littoral des Cornouailles aux falaises escarpées et aux landes sauvages battues par les vents n’était pas beaucoup fréquenté. Quant au petit hameau d’Helford, il était comme un coin perdu au bout du monde.
C’est dans cette région que la belle sulfureuse, capricieuse et inconstante Dona St Columb décide sur un coup de tête de partir avec ses deux jeunes enfants et leur nounou, pour son domaine de Navron.

En quittant Londres, son mari et ses amis, elle fuie une vie ennuyeuse et débauchée. Car à bientôt trente ans, elle se découvre sans rêves, sans désirs, désabusée et très différente de la femme qu’elle aurait aimé être.
Lorsqu’elle arrive dans le manoir familial où elle n’était pas attendue, elle est accueillie par William, le successeur du vieux régisseur et trouve une demeure en sommeil, pleine de poussière. L’atmosphère des lieux respire un certain mystère et semble porter les promesses d’une vie plus légère et plus saine, sans les miasmes de la capitale et les beuveries de ses fréquentations. Désertée par sa domesticité durant l’absence des propriétaires, elle se remet à vivre lentement.
Sous le regard énigmatique et ironique de William, Lady St Colomb s’acclimate à la douce ambiance de l’été en batifolant dans le jardin avec ses enfants et en menant une existence de bohémienne. Débraillée, enivrée de soleil, alanguie, elle apprécie la solitude et le calme à leur juste valeur. Mais cette quiétude est compromise par l’arrivée de son voisin, Lord Godolphin, qui vient lui présenter ses hommages et l’entretenir d’un sujet important. Il souhaiterait avoir le soutien de son mari pour la traque d’un dangereux pirate qui pille la côte. Le Français les nargue depuis trop longtemps et il serait bon que la justice l’appréhende définitivement.
Intriguée par l’affaire, attirée par le sel de l’aventure et l’aura de ce bandit, Dona se met à surveiller la conduite équivoque de William qui pourrait être de connivence avec lui. Décidant un jour de le suivre discrètement, elle est menée dans une crique près de son domaine, où elle se fait kidnapper et embarquer sur le bateau pirate.
Rudoyée gentiment, juste pour pimenter le rapt, elle se retrouve face au Français, un homme au regard sombre et au charme dévastateur… Étrangement, il l’attendait. Étrangement, tout lui semble normal et naturel, comme si elle avait déjà vécu la scène.

A compter de cet instant, l’existence de Dona va connaître bien des changements ! D’inconséquente, sa vie est happée par un vent de liberté et de passion, car durant un petit intermède en mer sur le bateau La Mouette et sur terre à Navron, les aventures, romanesques et périlleuses, vont s’enchaîner jusqu’à la venue de son mari accompagné de Lord Rockingham, un libertin qui veut la conquérir de gré ou de force.

Au début du roman, l’auteur attribue à l’embouchure d’Helford, le chenal qui conduit à la crique, mille parfums et couleurs, du mystère et de la magie. Cette parcelle de Cornouailles sera le théâtre d’un bel amour, de combats épiques, d’évasions et de malheureuses destinées. Dona devra choisir entre sa vie insipide d’épouse et de mère et une vie exaltante avec l’homme qu’elle aime.

Daphné Du Maurier a implanté son histoire dans une région qu’elle aimait et qu’elle a choisie pour d’autres romans. Récit historique d’aventure et d’amour, elle a attribué à ses héros des caractères forts et nobles, épris de liberté et de justice. On le sait maintenant, elle n’était pas pleinement épanouie aux côtés de son époux et on peut imaginer que le choix qui est soumis à Dona à la fin du roman, elle se l’ait posé aussi un jour…
Je vous recommande cette lecture captivante, très romantique qui n’est aucunement surannée et affectée.

« – En Bretagne, il existe une maison, dit-il, où une fois, vivait un homme, nommé Jean-Benoît Aubéry. Il se peut qu’il y retourne, et recouvre les murs nus de sa demeure de dessins d’oiseaux, de portraits de son mousse. Mais à mesure que passeront les années, ceux-ci pâliront et s’effaceront.
– Dans quelle partie de la Bretagne se trouve la maison de Jean-Benoît Aubéry ? demanda-t-elle.
– Dans le Finistère, ma Dona, répondit-il. Ce qui signifie, la fin de la terre.
Et Dona évoqua les falaises rousses, l’arête déchiquetée du promontoire, le grondement des vagues déferlant contre les rochers, le cri des mouettes, le soleil ardent frappant les falaises, desséchant, brûlant l’herbe rase, ou le doux vent d’ouest, tout enveloppé de brouillard et de pluie.
– Comme un éperon de roches dentelées, elle avance dans l’Atlantique, dit-il. Nous l’appelons la pointe du Raz. Aucun arbre, aucun brin d’herbe n’y poussent. Jour et nuit, elle est battue par tous les vents. Au large, non loin, deux marées se rencontrent ; sans cesse, perpétuellement, le ressac y bouillonne, dans un formidable rejaillissement d’embruns et d’écume… »

 

 

 

Un Noël plein d’espoir

Lecture de Noël
Challenge polars de Sharon
Challenge British Mysteries de Lou
Lecture commune pour un livre de l’auteur avec
Lou, Corinne, Bianca, Sharon,

 

 

Un Noël plein d’espoir
Anne Perry

Noël 1883,
Londres, dans l’East End,

Très bientôt c’est Noël… Dans les rues ça sent les marrons chauds, les vitrines sont décorées de branches de houx, et les étals sont bien garnis. Mais un vent glacial annonce la neige et il n’est pas bon de rester longtemps dehors. La jeune Gracie Phipps fait des courses pour sa grand-mère, de maigres commissions pour une potée de chou et trois pommes de terre, juste à peine de quoi caler l’estomac de ses frères, car pour célébrer dignement la fête, il leur faut faire en ce moment des repas frugaux pour économiser. Elle en est donc à se hâter, son châle bien serré autour de ses épaules, lorsqu’elle rencontre une fillette en détresse.
Plus jeune qu’elle et plus frêle, Minnie Maude Mudway lui confie sa détresse dans un souffle… Son oncle Alf vient de mourir et Charlie a disparu. Charlie est l’âne qui tirait la charrette de son oncle, un chiffonnier. Il s’est enfui lors de l’accident et Minnie qui l’imagine perdu, frigorifié et affamé, s’est mis en tête de le ramener. L’histoire qu’elle raconte est décousue, mais ce que Gracie retient c’est qu’il y a un doute sur le décès de l’oncle qui serait mort assassiné pour une boîte dorée, certainement une boîte en or…

Sensible à ce désespoir et à la misère de Minnie, Gracie décide de l’aider à retrouver Charlie. En quadrillant dans un premier temps le périmètre de l’accident et en se renseignant auprès des témoins peu bavards, elle va, dans un deuxième temps, demander l’assistance d’un commerçant un peu mystérieux, Monsieur Balthasar le propriétaire d’une boutique très exotique de Whitechapel Road.
Téméraires, déterminées et inconscientes du danger qu’elles encourent, Gracie et Minnie vont devoir faire face à de dangereux criminels avant de fêter dignement Noël et de bénéficier de sa féerie.

Dans la série « Histoires de Noël », le roman met à l’honneur la jeune Gracie Phipps que l’on retrouve domestique dans la saga des Charlotte et Thomas Pitt. L’auteur nous mène dans les rues pauvres de Londres à l’époque de Noël, et à travers les regards innocents de nos héroïnes, nous dévoile la trame de ce conte policier de petite facture. L’histoire réside plus dans son ambiance et le caractère singulier des personnages que dans son enquête qui se révèle assez décevante et simpliste dans son épilogue.
Comme à mon habitude avec cette série de Noël, j’en ressors mitigée mais toujours présente à ces rendez-vous de fin d’année…

 

 

 

 

 

 

 

Quand j’étais Jane Eyre

logomoisanglais15
Mois anglais de Lou, Titine et Cryssilda,
10ème billet

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Quand-jétais-Jane-EyreQuand j’étais Jane Eyre
Sheila Kohler

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Manchester, 1846,

Charlotte crayonne dans un petit coin de la chambre « … sur une ottomane basse, près de la cheminée en marbre, et elle écrit dans le silence et la semi-obscurité du jour naissant. » Elle surveille la respiration de son père le révérend Brontë qui vient de subir une intervention chirurgicale pour ses yeux. Sensible à ses grimaces, ses suppliques, ses angoisses, elle dit qu’elle sera toujours là pour lui. Au creux de ces temps interminables, Charlotte se sent bien seule, loin de sa fratrie. Elle se réfugie alors dans l’écriture et invente une personne proche. La frontière est ténue entre elle et la petite orpheline qui commence à immerger de son imaginaire. On lui avait dit que son premier livre « Le professeur » manquait de ressort, avec cette nouvelle histoire, elle mettra toute la passion qui la brûle.
La petite a dix ans, toute frêle, une brindille, un regard perçant, noir, une intelligence vive. Sans le sou, elle est livrée à la tutelle des Reed et subit de la part de sa tante et de son cousin, humiliations et châtiments. Charlotte puise dans son vécu et dans ses connaissances certains traits de caractères pour ses personnages. Elle songe à sa tante, à sa solitude, à son insignifiance, à son avenir si son père devait partir. Il n’y aurait pour elle que deux alternatives, institutrice ou gouvernante… Elle pense aussi à son ancien professeur de littérature à Bruxelles pour qui elle a longtemps ressenti une ardeur amoureuse ; le Cygne noir.
Elle se nommera Jane. Jane Eyre. Et Jane va la sauver de sa mélancolie…

Son père est réceptif à tous les sons ; à l’affut des résonances qui lui rappellent sa campagne, son presbytère à Haworth, son chien, la couleur des bruyères, ses enfants, sa femme décédée, la lumière… Il aime aussi écouter sa voix, sentir sa présence et sa chaleur. Elle l’aide du mieux qu’elle peut, essayant de lui communiquer cette patience qui lui manque. Ils sont si différents ! Lui, toujours entreprenant et empressé, elle, si pondérée.
Elle écrit et profite de « ce luxe de pouvoir rester là, pendant des heures dans la lumière voilée et le silence de la ville ! Elle écrit toute la journée, ne s’interrompant que lorsque son père murmure une requête ou que l’infirmière lui apporte un repas léger. »… elle y passerait ses nuits.
Qu’ils sont amers et déchirants ses souvenirs ! Elle se revoit avec sa sœur Emily arrivant dans le pensionnat de Madame Héger à Bruxelles où elle y séjournera un temps comme élève et un autre comme enseignante. Elle le revoit, lui, Constantin Héger, l’amour secret, interdit…

Et la lectrice captivée que je suis dévore cette biographie romancée. L’auteur, Sheila Kohler, peint ce début dans un clair-obscur, à la manière de de La Tour. Le silence entoure Charlotte, mais j’ai associé du baroque aux mots, avec la viole de Monsieur de Sainte-Colombe.

L’aînée des Brontë cache ses sentiments et donne une image équilibrée, moins impulsive que ses sœurs et son frère. Pourtant lorsque l’auteur aborde ses passions, on comprend qu’elle avait autant d’appétit que les autres. Donc, on apprend quelques lignes de sa vie à Bruxelles, comment elle a commencé Jane Eyre, son espoir dans la parution, ses lettres à cet éditeur qui ne connaît rien d’elle, même pas son vrai nom. Elle mêle à la réalité sa fiction. D’une petite chambre à l’air vicié, nous passons dans les jardins de Thornfield aux côtés de Monsieur Rochester. La douce et effacée Charlotte fait parler Jane l’audacieuse… « Je ne pense pas, Monsieur, que vous ayez le droit de me donner des ordres simplement parce que vous êtes mon aîné et que vous connaissez mieux le monde que moi ; votre supériorité dépend de l’usage que vous avez fait de votre temps et de votre expérience. » Comme elle aurait aimé balancer ces mots à Héger !

C’est à Haworth qu’elle termine ses écrits et nous entamons la deuxième partie du livre de 1846 à 1848, plus petite que la première mais tout aussi riche et intéressante. On lit la famille, son enfance, les fantaisies et les troubles de chacun, surtout leur talent qui semble être inhérent à la fratrie, sa place, les rancœurs et les petites jalousies, « l’attente », Branwell, ce frère impossible à dompter, malade… Jane Eyre édité… Charlotte est Currer Bell un auteur qui connaît le succès… et Londres ! Sa vie n’est plus en suspension et surtout, elle aime de nouveau et espère. On l’invite, on s’intéresse à elle, elle en devient belle. De 1848 à 1853, elle vit des moments les plus heureux et les plus enthousiasmants de son existence, mais aussi les plus horribles. Branwell meurt en 1848, suivi d’Emily qui ne peut résister au deuil de ce frère tant aimé, et Anne en 1849. Le drame s’attache à la famille et l’éteint petit à petit. Quant à l’amour, il est aussi désespéré que le premier.

L’épilogue narre la fin de sa vie. Charlotte a épousé le vicaire de son père. Cet épisode est romanesque ! Son père était contre le mariage, le vicaire a tenu bon… Elle semble vraiment heureuse. Elle peut alors penser que le malheur ne va plus franchir les portes de sa maison. Elle meurt à trente-huit ans, en 1855. Elle attendait un enfant.

J’ai trouvé un beau style à l’écriture de Sheila Kohler, avec une intuition fine et pleine d’émotions. Les images de la première partie sont belles lorsqu’elle décrit cette apesanteur faite de langueur et d’espoir et lorsqu’elle narre les sentiments filiaux et paternels. J’ai lu Jane Eyre un nombre incalculable de fois, il a été des années dans un tiroir de mon chevet, et j’ai aimé voir Charlotte l’écrire.

Je vous conseille ce roman. 

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D’autres billets chez Titine, Fondantauchocolat, L’Or, Ys, Céline, Kheira,

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Charlotte_Brontë
Charlotte Brontë, gravure de George Richmond

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Indulgences

Un livre en partenariat avec Babelio et HC Editions

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indulgencesIndulgences
Jean-Pierre Bours

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« Dans une Allemagne entre Moyen-Âge et Renaissance,… »

L’an de grâce 1500,
Eva fuit avec son bébé ceux qui la traquent et qui l’accusent de pactiser avec le Diable. Pour un temps, elle a pu détourner la meute des chiens qui la piste, mais elle sait que bientôt, elle devra abandonner sa fille. C’est dans une église, sur son autel, qu’elle la laissera…

L’an 1516,
Gretchen (Marguerite), seize ans, vit avec ses parents, son frère et sa sœur, dans une ferme. On voudrait la marier à un jeune voisin qui s’est engagé dans l’armée de Guillaume et qui reviendra bientôt s’occuper du domaine mitoyen, mais ce n’est pas l’avenir qu’elle désire. Vive, intelligente et curieuse de tout ce qui concerne la médecine, elle voudrait assister son amie Freia, la sage femme de Coswig, une petite ville de Saxe dans le district de Dresde. La mort de son jeune frère Jakob est un élément qui motive ce vœu. C’est avec l’appui du prêtre, qui veille sur elle comme un père, qu’elle parvient à obtenir un sursis… Deux autres facteurs essentiels qui la confortent sur cette voie rebelle, vont la façonner et la mener ailleurs qu’à Coswig. Le premier survient de manière brutale. En se chamaillant avec son frère aîné, elle apprend qu’elle est une enfant adoptée. Si la révélation tombe comme un couperet, Gretchen n’aura qu’une obsession en tête, s’affranchir d’une condition de soumise et aller à Wittenberg pour se renseigner sur ses parents naturels. Le deuxième facteur, elle le rencontre en la personne du docteur Faust, alors que la peste décime les villes et les campagnes. D’abord attirée par sa science et la nouvelle médecine qu’il applique, Gretchen est irrémédiablement séduite lorsqu’il lui parle des mystères de l’univers. De grands changements sont amorcés depuis le siècle dernier et continuent à se développer. D’une voix douce et grave, il l’entretient sans barrière, d’astronomie, des voyages et des découvertes de Christophe Colomb, des artistes Italiens du quattrocento comme Léonard de Vinci, et des artistes Allemands comme Dürer et Cranach.

Une fenêtre s’ouvre sur l’extérieur pour Gretchen et une autre se ferme pour Eva.

L’histoire est rythmée par les vies de ces deux femmes courageuses, intelligentes, avides de connaissances. Eva la mère et Gretchen la fille. Eva Mathis qui en 1500 a été arrêtée, emprisonnée, menacée d’être soumise à la question par l’inquisition, et Gretchen qui voudra découvrir sa filiation, approcher une société fascinante dans l’entourage de Cranach et revoir l’étrange docteur Faust.

« … dans un monde que se disputent la peste et la lèpre, la famine et la guerre, une mère et sa fille doivent braver leur destin pour tenter de se retrouver. »

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Par une note, l’auteur nous raconte sa passion pour le mythe de Goethe, « Faust ». Il a voulu réécrire l’histoire de Johann Faust et Margerete. Entre la réalité et sa fiction, la légende se romance et garde une empreinte surnaturelle et diabolique. Pour le compte du Diable, un des princes de l’enfer, Méphisto, est en quête perpétuelle d’âmes à acheter. Il se fait tentateur, tortionnaire ou parfois simple observateur. Tout au long de la lecture, sa silhouette et ses yeux vairons angoissent !
A travers Gretchen, Eva et les autres personnages du roman, on pénètre dans le début du XVIème siècle par une petite porte et nous découvrons dans la première partie de l’histoire la chasse aux sorcières et l’inquisition (procès, tortures, fanatisme), la ruralité (Coswig, le clergé, les marchés), le monde paysan (le travail, les taxes, leurs statuts), les maladies (typhus, peste, lèpre, administration des soins, préparation des remèdes, grimoires), les guerres, les soldats déserteurs, une armée qui créait des mercenaires (trafics, pillages, viols, prostitution)…
Dans la deuxième partie, Gretchen nous conduit à Wittenberg. La ville est « prospère et célèbre. Frédéric III le Sage avait fait rénover le château, bâtir la Schlosskirche et fondé l’université. Le couvent des Augustins, édifié près de l’entrée est de la ville, comptait parmi ses premiers occupant un certain Martin Luther. Et, dès 1505, était venu s’installer au cœur de la ville un peintre du nom de Lucas Cranach. »  Elle vit chez un imprimeur, le frère de Freia, qui publie les thèses de Luther qui s’est mis à mal avec la papauté en s’attaquant, entre autres, à la pratique des Indulgences. Un autre univers se développe ; la théologie avec Luther et les arts avec Cranach qui la prend pour modèle. Sont également cités Durër et Matthias Grünewald.

La lecture est sans ennui, la grande Histoire est intéressante, abordée dans un style délié, intelligent, bien documenté, et la petite histoire a de quoi captiver le lecteur. Je n’ai abordé qu’une infime part du livre car en dehors du contexte historique, il y a la vie d’Eva face à ses bourreaux et toute son histoire qui explique son emprisonnement, il y a la déchéance de la sœur de lait de Gretchen et la vengeance démente d’un homme éconduit. Quant à ce docteur Faust, si séduisant et si secret, si absent aussi, il est comme une ombre, un peu à l’image de Méphisto.
J’ai aimé la première partie du livre et en particulier un passage sur les marchés. C’était détaillé, coloré, vivant. J’ai lu la deuxième partie avec un un peu plus de distance. Certaines scènes ne m’ont pas convaincue, mais je ne m’étendrai pas car dans l’ensemble c’était une belle lecture.

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D’autres billets chez Les Sorcières, Bianca, Lystig,
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Vierge à l’enfant de Lucas Cranach

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L’arche de Noël et autres contes

logonoëllogo XIXème 2« Il était une fois Noël » avec Chicky Poo, Samarian et Petit Spéculoos, 11ème billet
« XIX siècle » de Fanny et Kheira

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sardou2L’arche de Noël et autres contes
Roman Sardou

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Londres, septembre 1856,

Amory Bolton est un orphelin de huit ans. Pour se sortir de la fange de l’East End, il travaille tous les matins à remplir les abreuvoirs des riches quartiers du West End, à Colevandish Square. Il nettoie, apporte l’eau, et bientôt en cette fin d’année, cassera la glace. Ironiquement, il dit que les chevaux sont mieux traités que les humains. Après cette corvée, il récolte quelques sous en étant garçon de courses pour les maîtres d’hôtel et les gouvernantes des grandes maisons. Sa persévérance, son courage, ses traits réguliers, son beau sourire, sont des atouts qui inspirent la sympathie et la confiance.
Malin et observateur, il sait tout.
Un jour, il est surpris de voir défiler discrètement et prestement les membres du Pougheepsie Club. Pour habiter clandestinement les combles de cet illustre cercle, il connaît les coutumes de chacun et trouve étrange cette rencontre qui ne devrait pas avoir lieu. Du haut de la coupole, il scrute cette assemblée huppée. Ayant déjà participer secrètement à leurs débats, il sait que les sujets abordés sont souvent de l’ordre de l’originalité, du surnaturel, et que ses adhérents sont considérés comme des « originaux séniles ».
Mais cette réunion en urgence que peut-elle augurer ?
C’est le président Sir Pagnell qui ouvre la séance. Ils vont recevoir un invité… Eliot Doe, un conteur exceptionnel. Depuis 1852, est apparu un nouveau personnage dans les contes et légendes… le Père Noël. Mais avant lui, qu’elle est l’histoire ?
« – Il y a un peu moins de mille ans, en l’an de grâce 858, il était une fois, dans le royaume de Wessex, un roi nommé Ethelwulf qui gouvernait conjointement avec son fils Ethelbald… »

Amory écoute et vit les mots du conteur. La magie opère aussi sur l’assemblée. Il est histoire d’un jeune garçon, d’un elfe, d’un dragon, d’un cromlech, d’un royaume féérique qui partage la Terre avec les humains, d’un Grand Départ et du Grand Retour…
Et comme dans toutes les magies, on se pose la question : qu’elle est la part de l’imaginaire et celle du réel ?

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Ce petit livre de Romain Sardou regroupe quatre histoires sur le thème de Noël ; « L’arche de Noël », « Les petites espérances de Duane Reilly », « Noël à Coldbath Fiefds », « La fessée du Père Noël ». L’ambiance est celle des livres de Dickens, des contes qui révèlent le merveilleux et qui séduisent les petits comme les grands.
Cette première a été ma préférée. Elle met une lumière sur un monde fantastique et nous renvoie aux légendes antiques et fascinantes de la féerie.
Le Père Noël est un mythe et chaque pays a son conte. « L’arche de noël » se passe dans l’Angleterre victorienne et « La fessée du Père Noël », dans un petit village du nord de l’Allemagne, en 1853. Saint-Nicolas et le Père Fouettard sont de l’histoire…

Ce livre est à lire en ce mois de décembre. C’est la première fois que je lis Romain Sardou et j’ai apprécié.
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Cranford

Lecture commune avec George, Lou, Virgule, Valou, Céline, Emma, Solenn, Sharon, Alexandra, Paulana, Emily, Titine, Plumetis Joli, Anis, ClaudiaLucia,

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CranfordCranford
Elizabeth Gaskell

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Vers 1840,

Cranford est un village de femmes célibataires ou veuves. On se l’imagine niché précieusement dans une campagne anglaise verte et vallonnée, entre pâturages et bois, déconnecté du monde environnant.  La narratrice, Miss Mary Smith, dit qu’il est habité par des amazones. Très peu d’hommes y sont présents. Soit ils sont décédés, soit ils sont ailleurs… La ville la plus proche est Drumble. Elle ressemble à ces villes industrielles traversées par les rails, affairées, grises et impersonnelles. Ni trop près, ni trop perdu, Cranford est « à vingt miles seulement par le chemin de fer » de cette métropole.

Miss Mary est une jeune femme célibataire qui vit avec son père à Drumble. Lorsqu’elle rend visite à ses amies de Cranford, elle élit résidence chez les soeurs Jenkins, Deborah et Matty. Durant son séjour, elle s’adapte au rythme des vieilles demoiselles et avec beaucoup de complaisance, elle offre toute son attention aux dames de la paroisse. Dans ses chroniques, elle écrit leur quotidien, les potins colportés par Miss Pole, leurs après-midi thé, leurs soirées animées de jeux, les personnes qui traversent un temps Cranford, les jours, les saisons, ses séjours d’année en année… et ses correspondances.
Cette ruralité n’est pas rustaude, elle est faite des meilleures manières de l’Angleterre. Sans être titrée, la noblesse qui caractérise cette communauté féminine est faite de certaines particularités, comme si Cranford était un monde à part dans le monde. Un microcosme protégé, exempté de misères et régi par l’étiquette de la bonne société. La fortune est petite, voire parfois inexistante, mais chacune s’ingénie à ne rien laisser paraître, à aller la tête haute, le sourire en façade, la tournure bien mise. Nul n’est dupe, mais il est de bon ton de dissimuler la pauvreté et de faire comme les Spartiates, « une élégante économie domestique ».
« Aucune de nous ne parlait d’argent, car le sujet avait quelque chose de mercantile ; or, même si certaines d’entre nous étaient pauvres, nous appartenions toutes au meilleur monde… »

Un jour, juste avant la fin de son séjour à Cranford, Miss Mary vit arriver Mr Brown. Ce capitaine à la retraite, délégué à un travail dans le comté par les chemins de fer, vint s’installer avec ses deux filles dans une petite maison. L’évènement capital fait sourciller toutes les bonnes dames car l’homme est rustre et sans discrétion. Son bavardage est presque indécent car il clame à qui veut l’entendre qu’il est pécuniairement fort modeste. Cette engeance masculine est à esquiver, il n’est pas satisfaisant de le rencontrer et encore moins de l’inviter… Même s’il est à plaindre… si sa deuxième fille de trente ans est une beauté souriante, douce et heureuse comme une enfant, son aînée, dix ans de plus, a le teint et la silhouette d’une grande malade… C’est donc sur cette impression négative que Miss Mary s’en retourne chez elle.
Presque une année plus tard, elle retrouve Cranford. De ses relations épistolaires, elle sait déjà que l’impopularité du capitaine Brown n’est plus et que le cher homme a toute la sympathie des dames. Le suffrage est à l’unanimité. Il est vrai qu’il sait y faire et que même ses plaisantes boutades sont prises au sérieux. Suite à un petit accident, Miss Baker a suivi scrupuleusement un conseil et a vêtu sa vache d’Aurigny de flanelle grise, pour qu’elle n’ait pas froid dans les prés.
Et c’est ainsi que les villégiatures dans cet éden s’espacent et se ponctuent dans des écrits, le temps de quelques mois, de quelques saisons. Il est bien innocent de croire que Cranford peut être épargné par les peines. Même en jouant à faire semblant, on n’évite rien des tragiques destins de la vie. Mais…

… à Cranford, l’air doit sentir les scones grillés et le thé noir (le thé vert d’après Miss Matty n’est pas bon pour la santé !), on voit passer une vache habillée, ces dames ont des parapluies rouges pour aller à l’église, on revendique le droit et le plaisir d’être vieille fille, on est excentrique sans le savoir, on a des amies sincères et solidaires, on a l’âme élégante… lorsqu’on oublie d’être mesquines, cancanières et précieuses… Comme il doit être bon d’y vivre !

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Cette lecture est le deuxième livre d’Elizabeth Gaskell que je lis. Si je fais un parallèle avec « Nord et sud », je retrouve deux sujets abordés : La confrontation de la ville industrielle qui prend de l’ampleur contre la campagne, écrin encore protégé et enchanteur. L’opposition de la bonne société distinguée, détentrice du raffinement, au mercantile, vulgaire et bourgeois.
Ce roman a été publié en feuilleton dans le magazine de Charles Dickens en 1851. L’auteur s’est amusée à décrire un village tenu socialement par une majorité de femmes. Cette société a distribué les rôles et aucune n’empiète sur l’autre. Elles paraissent aux premiers sentiments, peu sympathiques et ridicules. Leur rigidité, leur ostracisme, n’ont rien de charitable, mais, de petites bagatelles colportées en histoires plus intimes et plus graves, on découvre que les « amazones » de Cranford sont des femmes sensibles, avides de tendresse et loyales. Satire, l’ironie est mordante et drôle. L’humour des situations sentencieuses pimente les récits et ne manque pas de faire sourire. La narratrice garde une neutralité, elle paraît en ce sens moins pédante que ses amies, mais aussi plus terne. De tous les personnages, ce n’est pas celui que j’ai préféré. La douce Miss Matty avec sa domestique Martha sont des femmes qui m’ont séduite.
J’ai beaucoup aimé cette lecture. C’est un roman simple dans la première partie, à raconter le quotidien, implanter le décor, faire connaissance avec Cranford, et dans sa deuxième partie, plus secret, plus émouvant.
Un livre que je vous conseille… avec une tasse de thé et une tranche de pudding grillée.

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Cranford
Cranford, série de la BBC

De gauche à droite : 1. Miss Octavia Pole – 2. Mrs. Jamieson – 3. – 4. Miss Deborah Jenkyns – 5. Miss Matty Jenkyns – 6. Miss Mary Smith 7. Mrs. Forrester
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Les enfants de la terre, Le clan de l’Ours des Caverne , Tome I

Défi de Mia, Challenge Animaux du monde de Sharon
Lecture commune avec Cécile et Rose

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Les enfants de la Terre
Le clan de l’ours des cavernes
– Tome 1
Jean M. Auel

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Au temps de la Préhistoire, une enfant se retrouve seule après un tremblement de terre. Le séisme a pris sa famille dans ses entrailles.
Seule rescapée, elle erre et se trouve bien vite confrontée au froid, à la faim et au danger. Elle essaie de se nourrir de baies, de racines, mais n’assouvit pas son appétit. Des obstacles se dressent sur son passage, des troncs d’arbres, des fissures qui crèvent la terre, une rivière, la pluie, la boue et bientôt elle devient la proie d’un lion qui la pourchasse jusqu’à la blesser gravement. Dans l’entaille d’une roche, elle arrive à se faufiler, se tapir, et échappe ainsi au chasseur. Une douleur tenaille son petit ventre et sa profonde blessure la plonge dans des hallucinations et un délire fiévreux.

C’est la guérisseuse, Iza, du clan de l’Ours des Cavernes qui la découvre. Petit corps tout chiffonné, abandonné aux carnassiers, la petite fille est proche de partir dans un autre monde. Le groupe, qui passait près d’elle à la recherche d’une nouvelle caverne, appartient au peuple Néandertalien. Les « Têtes plates » ont pour chef Brun, le frère d’Iza et de Creb, le sorcier, le Mog-ur.
Avant de prendre sous sa protection la petite fille, Iza demande la permission à Brun. L’enfant est différent d’eux. Laide, blonde, aux yeux couleur du ciel, une petite brindille, elle est une « Autre », du peuple des Homo Sapiens. Ils les ont déjà vus, croisés, mais sans oser une promiscuité ou une union.
Brun accepte d’intégrer provisoirement au clan, le petit être chétif et mourant pour faire plaisir à sa soeur. Iza est enceinte de son premier bébé et veuve. Son mari était brutal avec elle et elle s’est toujours comportée avec obéissance et respect de leurs lois.
Calée sur sa hanche ou dans son dos, le petite fille chemine avec Iza et retrouve petit à petit ses forces, jusqu’à guérir. Sans crainte, elle essaye de communiquer avec sa bienfaitrice et le Mog-ur, Creb. Celui-ci est né difforme et ses disgrâces ne répugnent pas l’enfant qui au contraire, recherche à être câlinée par le puissant sorcier. Creb s’intéresse à elle, ému par la douceur et la confiance qu’elle leur témoigne.
Elle s’appelle Ayla et a la corpulence d’une fillette de cinq ans.

« La douce caresse de la petite fille émut profondément ce vieux coeur solitaire. Il désira communiquer avec elle et se demanda un instant comment y parvenir.
– Creb, dit-il en se désignant du doigt.
Iza les regardait tranquillement en attendant que ses fleurs infusent. Elle était heureuse de l’intérêt que son frère portait à l’enfant.
– Creb, répéta-t-il en se frappant la poitrine.
La fillette tendit le visage en avant, essayant de comprendre ce qu’il attendait d’elle. Creb répéta son nom pour la troisième fois. Soudain son regard s’éclaira, et elle se redressa en souriant.
– Grub ? répondit-elle en roulant les r comme lui. (…)
Il se frappa la poitrine en disant son nom, puis frappa celle de la fillette. Le large sourire de compréhension qui illumina l’enfant fit à Creb l’effet d’une grimace, et quant au mot polysyllabique qui tomba de ses lèvres, il était non seulement imprononçable, mais quasiment incompréhensible (…)
– Ay-rr, répéta-t-il, hésitant. Ay-lla, Ayla ? »

Le langage est une des différences entre les deux sociétés. Les Néandertaliens s’expriment avec des sons gutturaux, des gestes, des mimes, quant aux Homo Sapiens, ils parlent, rient, pleurent, forment des phrases…

Leur voyage s’achève lorsqu’ils découvrent une caverne spacieuse qui pourrait abriter la tribu. Cet antre est l’ancienne demeure d’un ours, animal protecteur du clan. En fait, c’est Ayla qui la repère et ce signe heureux jouera en sa faveur lorsque le problème de son intégration se posera.
Ayla est une enfant très intelligente. Elle apprend vite les codes qui régissent cette communauté. Certes, parfois elle commet des impairs sans le vouloir, mais ses tuteurs se montrent indulgents et très patients avec elle. Ses professeurs sont Iza et Creb. Tous deux sont devenus ses parents adoptifs avec l’accord de Brun,suite à son baptême. Comme chaque être, les esprits lui ont attribué un animal pour totem. Ayla est le lion des cavernes, un animal puissant et encore jamais attribué.

Avide de s’intégrer et de plaire à sa nouvelle famille, Ayla réfrène son impulsivité et sa curiosité. La vie du clan étant une cohabitation très mitoyenne, il n’est pas apprécié de regarder ce qui se passe chez le voisin, de les dévisager ou de montrer son affection. Avec Creb, elle apprend les règles, avec Iza, elle assimile le rôle de la femme qu’elle sera bientôt. C’est en voulant sauver un petit lapin blessé, que la décision de faire d’elle une future guérisseuse, s’impose à Iza. Ayla est devenue sa fille, il est donc légitime qu’elle lui transmette sa puissance et son savoir. Avec beaucoup d’espérance et de foi, elle l’initie aux secrets des plantes, de la médecine.

La petite Ayla a trouvé un père et une mère qui lui vouent beaucoup d’admiration et d’amour. Mais les sentiments du groupe sont animés d’un rejet, d’une discrimination, d’une défiance. Perceptions qui sont simplement dues à la peur de « l’autre », à leur dissemblance et peut-être aussi à une prémonition. L’homme du Neandertal est sur le déclin.
Un gamin, fils de la compagne de Brun, se montre souvent cruel envers Ayla. Ce garçon s’appelle Broud et sera désigné, un jour, pour succéder au chef du clan actuel. Très vite, la petite fille reconnaît l’ennemi en lui et s’en méfie.

Les lunes forment les cycles et voient grandir la petite Ayla. Fille de Creb et Iza, elle est aussi celle du lion ; déterminée, puissante, fière, presque invincible, une guerrière.
L’histoire d’Ayla prend ses racines dans cette caverne, proche de la mer, et débute un magnifique récit, l’aventure d’une femme, belle, courageuse, moderne…
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« Le clan de l’ours des cavernes » est le premier livre de la saga « Les enfants de la Terre » écrit par une américaine d’origine finlandaise. Jean Auel se documente un jour sur la Préhistoire. Vite passionnée par cette période, elle décide d’écrire un premier livre pour mettre ses nouvelles connaissances en pages… cela sera une histoire romancée, avec pour héroïne une petite fille, Ayla. Elle racontera aussi la fin de l’ére Néandertalienne et la progression de l’Homo Sapiens.
Dans une région en bordure de la Mer Noire, j’ai grandi avec Ayla et j’ai été spectatrice de son évolution. Dans le clan, on parle avec les mains, le corps, les expressions du visage, on émet des cris et les sentiments sont très bien exprimés ; colère, chagrin, haine, amour, tendresse, convoitise, jalousie, soumission, peur, fierté… Par contre, ce peuple Néandertalien ne connaît ni les larmes, ni le sourire et encore moins le rire. Des passages émouvants font sourire, lorsque la petite chagrinée verse quelques larmes. Ses parents adoptifs pensent aussitôt qu’elle a une poussière dans l’oeil. La relation commence avec l’apprentissage d’un dialecte gestuel pour se poursuivre dans le quotidien des devoirs de la femme… (cueillette, cuisine…). L’homme va chasser, ramène la viande dans son foyer, il est protecteur, élève les enfants de sa compagne, participe aux décisions du clan, vote, avant que le chef ne donne son avis définitif et se comporte en maître.
Ayla est une bonne élève, elle absorbe avec rapidité toutes les connaissances qui lui sont transmises et bien plus encore. Petite curieuse, elle assimile même l’enseignement donné aux garçons, même si la chose est défendue et qu’elle le fait en cachette.
Tout cela rend la lecture plus que captivante !!! M’associant à elle, j’ai ramassé des plantes pour préparer des médecines, j’ai écouté attentivement Creb lui parler des esprits et des souvenirs du clan, je me suis entraînée à me servir d’une fronde… je ne me suis pas ennuyée ! Et tout cela grâce à deux personnages nobles, majestueux et si aimants, Iza et Creb. L’émotion, lorsqu’on pense à eux, est intense. Ils sont les ancêtres que nous aurions aimés avoir. Lorsque je songe aux autres personnages, tous ont eu un rôle initiatique, attentionné, indulgent, tous sauf un… celui qui sera l’écharde puis le pieu dans le coeur d’Ayla.

Un livre que je vous conseille vivement ! Vous ferez un voyage captivant.

Je lirai la suite bientôt avec Rose et Cécile… et je remercie Aymeline qui m’a incitée à le lire.

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Image du film « Le clan de la caverne de l’ours »

Billets chez Rose, Cécile, Aymeline, Kincaid,
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