La paupière du jour

Livre offert par Babelio et les Editions Buchet-Chastel  Avec mes remerciements…
Challenges « Thrillers et polars » de Liliba

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la paupiere-jourLa paupière du jour
Myriam Chirousse

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Barjouls, septembre 2012,

Dans un état de demi-sommeil, parfois la réalité se confond avec les rêves. L’écho d’un tir de  balle renvoie au souvenir et entremêle le temps. Nous sommes en période de chasse, mais on peut s’imaginer être ailleurs, comme dans une bijouterie de Bordeaux, un jour fatidique.

Cendrine Gerfaut a loué un gîte dans le petit village de Barjouls, situé dans « une vallée encaissée, coupée presque de tout », des Alpes-Maritimes. Pour les gens du village, elle est une botaniste envoyée en ces lieux, pour effectuer des prélèvements de végétaux. Pour le professeur Lioubacheski et l’AESR, elle est chargée de détecter le taux de radioactivité qui s’est déposé suite à l’explosion de la centrale de Tchernobyl, vingt-cinq ans plus tôt. Pour elle, jeune femme de trente-cinq ans, elle est là pour retrouver le meurtrier de son fiancé et le tuer.
Cette vengeance a muri durant dix-huit ans. Tant d’années de torpeur qui aboutissent enfin à cette quête libératrice. Apprendre à pardonner sans jamais oublier, c’est le conseil plein d’espoir que lui a laissé la mère d’Aymeric après lui avoir dit que Benjamin Lucas avait été libéré. Comment être miséricordieux quand le cauchemar d’un instant se perpétue inlassablement, annihilant amour et émotion ?

C’était un jour heureux, ils allaient à la bijouterie choisir la bague. Cendrine est retournée à la voiture, Aymeric est resté dans la boutique. Un homme armé est rentré. Il a tiré…

A Barjouls, elle se perd dans les rues, lit les noms sur les boîtes aux lettres, reconstitue les familles, elle explore les petits chemins et se familiarise avec la campagne. Où se trouve Benjamin Lucas ? Le village est à la fois accueillant et insolite, son pittoresque en devient presque caricatural. Les tempéraments sont sanguins, extravagants et excessifs. L’arrière pays, barricadé par l’enceinte des montagnes, a une rusticité sauvage qui est partagée entre méfiance et hospitalité.
Cendrine essaie judicieusement de s’implanter et d’oublier la peur qui l’étreint. Son charme naturel, sans artifice, séduit et attise les virilités. Elle va sur le marché de la place, va boire un verre à l’auberge, parle avec les anciens… Elle noie son investigation sous des amabilités, tout en se faisant violence. Rien n’est facile pour elle car elle aurait tendance à se conduire comme un automate. Mais sa curiosité ne passe pas inaperçue. Une personne que l’on nomme le Corbeau, dépose sur les portes des mots sibyllins, menaçants les consciences.

Le mystère de Cendrine aimante l’attention d’un homme. Hugo vend des produits fermiers sur le marché. Plus que sa silhouette très féminine, c’est son regard noyé qui le captive. Esprit torturé par les décès de sa femme et de son enfant, il perçoit son intérêt comme un éveil. Dans un cahier, il parle de cette « femme » si belle, étrange et naturelle. Les récits de son journal ponctueront l’histoire. « De la Bergerie de la Baume », il décomptera les jours jusqu’en décembre. Le 21 décembre 2012, les Mayas ont prévu l’apocalypse.

Doucement, Cendrine s’insère dans les confidences, avec un seul objectif, retrouver Benjamin Lucas. Elle ne veut pas chercher à comprendre le geste fou du meurtrier, elle a la vengeance expéditive, impitoyable. Cependant, à fouiller ainsi, elle fera apparaître quelques ombres anciennes, à l’image des maux et des fantômes d’une boîte de Pandore.

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C’est la deuxième fois que je retrouve l’auteur. Le premier titre, « Miel et vin », je l’ai lu un été. Je l’avais tellement apprécié que je l’ai offert à de nombreuses amies ; c’était l’histoire d’un amour un peu fou, passionné, parfait pour les vacances. C’est donc avec un plaisir intéressé que j’ai accepté cette lecture. « La Paupière du jour » fut différent mais tout aussi prenant. La loi du talion, représailles et châtiment, est un thème commun à ces deux romans.
Ici, ce n’est pas une épopée aventureuse, mais un huis clos. On perçoit sous les civilités et la bonhomie des habitants de Barjouls, bien des non-dits, des inimités et des secrets qui pourrissent certaines âmes. L’atmosphère est lourde, le charme provençal est grinçant.
L’auteur prend le temps, sans songer à nous ennuyer, à relater la pesanteur, l’errance de Cendrine et sa solitude. Les pérégrinations sur les chemins, dans les bois, l’automne et l’hiver, sont marqués et scandent une attente, celle qui nous mènera au dénouement de l’histoire.
Les passages avec Hugo paraissent plus sensibles que ceux avec Cendrine qui essaie de se blinder et de garder la froideur du justicier. On alterne entre deux deuils ;  l’acceptation pour l’un et la rage de l’autre.
Il semble que ce petit coin des Alpes-Maritime soit au bout du monde, il sera aussi au bout de son deuil.
L’auteur a bien situé la trame dans la froidure de l’hiver, plombant un peu plus le scénario. Et pourtant… je vous conseille ce roman pour votre été…

Des billets chez Keisha, Lili Galipette, Canel, Isa Livresse, Elizabeth Bennet, Lily, Sandrion,

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Peinture d’Alexandre Calame

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33 réflexions au sujet de « La paupière du jour »

  1. Bonjour Syl, je vais le noter, il a l’air vraiment bien ! Et si j’avais vu Miel et vin précédemment, je n’avais pas percuté mais là oui 😉 Passe un bel été avec de belles lectures.

  2. Dans ma PAL bien sûr… J’espère vraiment avoir le temps de le lire cet été, mais j’ai tellement de livres que j’ai envie de lire, j’ai une liste d’au moins 20 livres…. Quand on sait qu’en plus je lis moins pendant l’été puisque (si le temps est clément ;0) je passerais ma vie dans l’eau… ça fait quelques jours que je me baigne tout les jours… La piscine est toute petite c’est sûr (une ronde de pas tout à fait 5 mètres de diamètre) mais il n’y a rien dans la journée que j’apprécie plus que le temps que j’y passe….Sinon pour en revenir à ton billet j’avais vraiment adoré « Miel et vin » tout comme toi !! Tu vas partir cet été Syl ? Bientôt ?

    • Bientôt-bientôt…
      Je pars avec ma pal à 20 livres, mais j’ai peur de ne pas pouvoir la sortir de la valise ! En vacances, je bricole et je parle beaucoup !!!
      Bise

      • 20 livres ?!!! Waou, non moi je ne vois pas si grand ;0) Je sais pertinemment que je ne vais pas lire autant… On part en famille avec ma soeur et mes parents, alors plus nous et les petits ça fera du monde ;0) Et comme toi on papote beaucoup !! Par contre je ne bricole pas… mais je nage beaucoup :0) Bises

    • J’ai lu ton avis sur Babelio et je te comprends. Comme tu le dis, toi, un peu moins et moi, un peu plus.
      Je vais venir chercher ton lien… ce matin, je n’ai pas eu le temps. A très vite !

    • Tu ne te trompes pas, et j’ai pourtant aimé. Pour moi, le coup de coeur doit me vriller le ventre. Cette lecture a été un agréable moment, je la conseillerai, et j’en garderai un bon souvenir.
      Entre ses pages, j’imaginais l’oeil de Chabrol et Sandrine Bonnaire dans le rôle. C’est ce que j’ai apprécié le plus, les moments de silence lorsque l’héroïne se retrouve seule, lorsque les rues du village sont vides, lorsqu’elle parcourt les bois et qu’elle se perd… Je sentais une menace, j’appréhendais… Ca… c’est vachement bien !!!

    • Bladelor, Tu avais été une de mes tentatrices pour « Miel et vin ».
      Attends-toi à trouver quelque chose de différent. Dans son premier roman, les tempéraments étaient exacerbés, fougueux. Dans celui-ci, c’est tout intérieur, moins héroïque et peut-être plus ordinaire, plus proche de nous. J’ai lu ailleurs que cela rappelle le livre de Claudie Gallay, « Les déferlantes ». C’est exactement la sensation que j’ai eue.
      Bise et j’ai hâte de te lire…

  3. NON! Entre toi et Asphodèle , sans compter d’autres,spécialisés dans le thriller, ma CB halète, à bout de souffle.Honte à toi de me tenter ainsi! Et je vais aller me renseigner sur Miel et vin.L’auteur a le chic pour trouver de beaux titres.

    • « Miel et vin » est en poche. Oui, commence par lui car il va te faire acheter l’autre !!! Myriam Chirousse a une plume fluide, simple, fort agréable à suivre.
      Songe Pyrausta que tu as une maison à rénover !!! Un livre est-il plus cher qu’un rouleau de tapisserie ?

  4. Le titre est vraiment joli après je t’avoue que ça fait un peu série de l’été sur France 2 et puis les meurtres et les chasseurs…houla…je préfère ton précis de jardinage…

    • Oui à la saga estivale ! Les chasseurs ne font que passer… c’est la saison et le loisir de ses messieurs.
      Ce livre est parfait pour les heures de oisiveté que les vacances nous accordent.

  5. Vivement le prochain roman de l’auteur !
    J’adoore, même si les deux livres sont différents, quel plaisir de la lire !

    Je me replonge un peu dans le livre avec ton billet 🙂

  6. Mais pourquoi mon commentaire ne s’affiche pas, je suis sûre de l’avoir commenté ?!
    BRef. J’avais adoré miel et vin, j’espère que j’aimerais autant celui là 🙂

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