Protocole gouvernante

Octobre est Halloween avec Lou et Hilde
France obscure
Un livre offert dans le cadre des Masses Critiques de Babelio par les Éditions Payot et Rivages

 

Protocole gouvernante
Guillaume Lavenant

Dans une société qui semble dystopique mais guère éloignée de la notre, l’histoire du Protocole est contée par un narrateur qui dicte un scénario très bien orchestré, à une jeune femme. Tout a été analysé, cadencé, et pour que sa mission soit menée à bien, il faut qu’elle en suive fidèlement chaque mot et chaque tempo. Le rythme est important, essentiel. Celui qui guide ses pas et qui nous invite à les suivre emploie le « vous ». Par ce pronom, il nous associe encore plus à elle… « Vous irez sonner chez eux un mercredi. Au mois de mai. Vous serez bien habillée, avec ce qu’il faut de sérieux dans votre manière d’être peignée. Vous ressentirez un léger picotement dans le bout des doigts. Il vous faudra tourner la tête et projeter votre regard sur le voisinage pour recouvrer votre calme. Ce qui finira par survenir, à la vue des pelouses bien tondues et du soleil qui dessine les contours de chaque chose… ».
La jeune femme suit à la lettre chacune de ses anticipations et lui voue une admiration et une confiance absolue. Dès les premières lignes, on comprend qu’elle a une mission à accomplir et qu’elle n’est qu’un pion sur l’échiquier. Mais le mystère est total.

Elle se présente pour le poste de gouvernante dans une famille aisée pour s’occuper de leur deuxième enfant, une petite fille de cinq ans qui se nomme Elena. Le mari et la femme trop pris par leur travail, ont sollicité ses services pour gérer également le quotidien de la maison. Dans une ambiance aseptisée et très conventionnelle, elle est considérée comme un androïde. Elle suit des rituels, doit se faire très discrète, parler quand on lui demande de parler et se tenir à l’écart ; aucune fantaisie. Cette distance prévue par le protocole est une manigance car au fil des jours, son comportement doit changer. Sans trop de hardiesse, elle doit gagner la confiance du couple et créer une complicité. Habilement, une toile se tisse.

Le narrateur pare au moindre détail, même pour les situations qui s’accompagnent d’un « si ». Le souffle s’accélère et l’angoisse monte crescendo. Des connivences avec la femme qui s’extériorise de plus en plus, oubliant ses névroses, et qui la convie à regarder une série télévisée avec elle, instaurant ainsi une familiarité anticonformiste… jusqu’à une entente charnelle avec le mari, le protocole mène la jeune fille au terme de ce qu’il doit se passer.

Sur un ton faussement monotone, l’intrigue captivante devient envoûtante lorsqu’on comprend que la jeune femme n’est pas seule à agir et que d’autres personnes larvées un peu partout n’attendent que le signal final pour se manifester. On parle alors de chaos.
L’auteur nous livre une fiction très originale qui glace le sang. Son univers nous rappelle un peu celui de « La servante écarlate » et les temps anarchiques des révolutions. Dystopie, thriller, conte terroriste, il est un futur que nous n’aimerions pas connaître. Nous refermons le roman, songeur…
Un livre surprenant à recommander !

Un autre billet du livre de… Keisha

 

 

 

22 réflexions au sujet de « Protocole gouvernante »

    • C’est complètement différent Rachel, mais c’est le semblant de soumission qui le rappelle, ainsi que la caste d’une certaine société. Cela se passe à notre ère, mais on pourrait mettre l’histoire dans un autre siècle. Le 19ème serait parfait !

      • Bin je n’ai pas adhere justement a cette soumission dans la servante…Comment une femme comme toi et moi, avec une vie anterieure, peut se faire violer tous les mois ?…je veux bien croire qu’avec des jeunettes dont on a lave le cerveau, cela fonctionne….mais pas avec une personne ayant un vecu, j’ai un doute, cela touche un sujet bien sensible…;)….

        • C’est de la fiction. Avec les mots, on peut tout imaginer, faire des mondes et les défaire.
          Dans cette histoire, il n’y a pas de réelle soumission, c’est consenti. Terrible dans la forme, mais le fond est tout autre…

          • Justement…l’heroine n’adhere jamais…elle est comme un legume qui subit….donc cela ne peut pas aller sur le faite de se faire violer tous les mois…tu brules un livre cela a moins de repercussion sur ton corps…et c’est beaucoup plus facile a faire et a faire semblant….(euh, je sais que c’est une fiction, mais bon on peut etre critique par rapport a cette fiction quand on trouve que cela ne colle pas) et un viol n’est jamais consenti…..

  1. Je lis actuellement une dystopie où je m’ennuie .. alors je n’en reprendrai pas une tout de suite, mais je note quand même, pour plus tard.

    • Ce livre n’est peut-être pas pour toi, mais j’aimerais quand même avoir ton avis. Il est assez particulier, étrange dans sa construction, et il mérite le coup d’œil. Le vouvoiement surprend au début et puis il faut se laisser mener…

  2. J’avais lu le billet de Keisha déjà. C’est drôle que tu fasses référence à La servante écarlate, c’est un roman que j’ai sur ma PAL et que j’ai hâte de lire (mais bon, si tu voyais ma PAL urgente où elle en est ;0) Entre Halloween et la rentrée littéraire je ne sais plus où donner de la tête ;0) Mais bon, comme Aifelle, pour plus tard c’est noté :0)

    • Je reprécise que c’est seulement l’atmosphère du début qui me le rappelle. Le fait que le protocole donne ses directives sur le comportement de la gouvernante, son maintien, son habillement, ses expressions…

  3. Ah j’ai relu récemment cette Servante écarlate (lis la, fais toi une idée) et je n’ai pas fait le lien avec ce Protocole gouvernante; Pour moi cette gouvernante adhère à une ‘organisation’ à laquelle adhèrent de hommes, d’ailleurs. la fin est rapide et ouvre sur des possibles.

    • Oui, c’est bien pour ça que j’ai mis qu’elle me la rappelait « un peu ». C’est au début lorsqu’elle doit se ternir sur ses gardes et que le couple très emprunté lui pose des questions. C’est plus que guindé. Et la femme qui attend le mari pour ouvrir la conversation… tout me faisait penser à La Servante écarlate, un livre que je finirai par lire… En ce qui concerne le but final, la méthode et tout et tout… ben, ça fait peur ! mais on ne sait pas trop le monde dans lequel ils vivent. Donc tu as raison, il y a plusieurs possibilités…

  4. J’ai un peu de mal à cerner le livre. Le pitch me laisse un peu sur la réserve mais à voir ton avis, j’ai bien envie de me laisser tenter ! Je le note pour l’an prochain ou une sortie en poche peut-être.

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