Un roman offert par les Éditions Métaillé et Babelio dans le cadre des Masses Critiques
Décembre nordique avec Cryssilda (Islande)
Challenge Polars et thrillers de Sharon
Les roses de la nuit
Arnaldur Indridason
Une nuit, venu dans le cimetière de Sudurgata pour faire l’amour, un couple aperçoit l’ombre d’une silhouette se faufiler entre les végétaux et découvre le cadavre dénudé d’une jeune fille sur la tombe et sous la statue de Jón Sigurðsson, le chef de file du mouvement pacifiste pour l’indépendance de l’Islande au XIXe siècle.
Chargé de l’enquête, Erlendur Sveinsson, commissaire de la criminelle de Reykjavik, apprend par le légiste que la jeune fille se droguait, se prostituait certainement, et qu’elle avait été sauvagement battue et violée. Sans aucun indice pour identifier la morte, à part un « J » tatoué sur une fesse et l’appel téléphonique d’un mystérieux inconnu qui lui dit d’enquêter sur le propriétaire d’un chalet d’été où elle aurait subi des brutalités, le point de départ des investigations se fait auprès d’Eva Lind, sa fille, qui connaît bien l’univers des drogués et de la prostitution. Elle l’envoie dans un premier temps se renseigner dans les boîtes de strip-tease et dans un second temps, lui présente une gamine paumée d’une vingtaine d’années. Dora révèle le nom de son amie, Birta, avec qui elle partageait un appartement et le nom de leur logeur et souteneur, Herbert Rothstein, un homme violent qui les utilise pour passer de la drogue et les vend à des vieux libidineux amateurs de jeunettes.
Erlendur ne tarde donc pas à quêter d’autres informations chez Herbert dit Herb, bien connu du service des stupéfiants. Mais l’homme, peu communicatif, joue l’innocence et dit ne plus avoir eu de contact avec Birta depuis qu’elle était partie habiter ailleurs chez un ami. Le laissant sous la surveillance de la police, Erlendur part avec une photo de Birta dans la région des fjords de l’Ouest d’où était originaire Jón Sigurðsson. Celui qui avait déposé le cadavre de Birta, l’aurait peut-être placé sous la garde de l’illustre homme politique en un geste de révérence.
Alors qu’Erlendur cherche à rendre à Birta une identité, à Reykjavík un homme kidnappe Herbert… L’enquête s’opacifie et prend une dimension encore plus abjecte et dramatique lorsque l’histoire de Birta se dévoile petit à petit.
Dans la série des enquêtes du commissaire Erlendur, ce roman est le deuxième, avant « La cité des Jarres ». Nous retrouvons donc son adjoint Sigurður Óli, la trentaine et célibataire, sa fille Eva Lind encore sous l’emprise de la drogue et de ses mauvaises fréquentations, et son fils Sindri Snaer alcoolique. C’est dans ce tome que l’auteur fait se rencontrer Bergthora et Sigurður Óli. Cette idylle naissante ne peut que compliquer l’affaire car Bergthora est la femme qui a découvert Birta dans le cimetière et Sigurður Óli prend les risques d’être destitué. Erlendur n’est pas épargné. Dans l’histoire de Birta, il voit celle de sa fille qui a vécu le même parcours et qui fut à dix-sept ans l’une « des filles » d’Herbert.
A travers ce polar noir poignant, percutant, l’auteur décrit une Islande touchée par une crise financière qui a secoué le pays. Les petits villages se désertifient et les jeunes partent à Reykjavík pour travailler. Les valeurs se perdent et cette misère économique et sociétale est happée par des requins qui spéculent et font leurs commerces dans les hautes strates des administrations.
Un roman à recommander, ainsi que toute la série. La quatrième de couverture dit : « Indridason construit ses héros tout en développant une enquête impeccable marquée par une grande tendresse pour les personnages… », et je suis bien d’accord. J’ai beaucoup de tendresse pour Erlendur.
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