La nostalgie heureuse

La-Nostalgie-heureuseLa nostalgie heureuse
Amélie Nothomb

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« Tout ce que l’on aime devient une fiction. La première des miennes fut le Japon. A l’âge de cinq ans, quand on m’en arracha, je commençai à me le raconter. Très vite, les lacunes de mon récit me gênèrent. Que pouvais-je dire du pays que j’avais cru connaître et qui, au fil des années, s’éloignait de mon corps et de ma tête. »

Pour certains, la nostalgie s’accompagne de mélancolie et de tristesse, pour d’autres, elle est heureuse même si l’émotion fait verser des larmes.
Amélie Nothomb retourne au Japon qu’elle a quitté en 1996 et amène dans ses bagages une équipe de télévision de France 5 qui va la filmer tout au long de cette « renaissance ». Les souvenirs se confondent et laissent une empreinte indéfinie. Une image, une odeur, une perception, contribuent à scénariser ses réminiscences. C’est fou comme un petit rien peut rappeler beaucoup ! Pour Amélie, c’est un trottoir, un portique dans une école, des cerisiers en fleurs.
Bien avant, elle annonce sa venue et reprend contact avec deux personnes de ce passé. Ce début est cocasse (je souris encore) car elle n’a plus les coordonnées de l’une ; un nom, un pays, une ville… l’investigation s’effiloche jusqu’au secrétariat de l’ambassade de Belgique à Tokyo.
« – Bonjour. Je cherche un numéro à Tokyo, mais j’ai seulement le nom de la personne.
– Dites toujours, répondit l’homme qui ne semblait pas conscient de l’énormité de ma question – l’agglomération de Tokyo comptant vingt-six millions d’habitants.
– Le patronyme est Mizuno, le prénom Rinri.
J’épelai, moment pénible, car je n’ai jamais retenu les classiques, et je dis des choses comme « M de Macédoine, R de Rossinante », et au bout du fil je sens qu’on m’en veut. »
Sa nounou à Kobé, Nishio-San, une vieille femme qu’elle découvrira solitaire et abandonnée de sa famille, et son ex-fiancé, Rinri, un homme d’une gentillesse infinie qu’elle a fui.

Sur les pas de son enfance, tout a changé depuis le tremblement de terre de 1995 et il est bien difficile pour elle de retrouver les souvenirs. Seuls des images fugaces, des sensations, reviennent. A-t-elle vraiment vécu ici ? Une photo d’école attestera de cette vie, de ce passé « indicible ».

Amélie est fantasque et fragile ; elle émeut son équipe. Les sentiments sont difficiles à endiguer, ils affluent comme une lame de fond. Elle est un héron à l’orée des chemins, craintif et curieux. C’est ainsi que j’aime l’auteur, dans ses récits personnels qui content le temps du Japon. En ce sens, ce livre fut un plaisir de lecture, une réconciliation.

Lorsqu’elle rencontre Rinri, leur tête à tête n’aboutit qu’à de pâles retrouvailles. Amélie est tétanisée de voir son ancien fiancé si sûr de lui, si confortablement installé dans sa vie professionnelle et familiale. Son intelligence la déserte, ses réparties font des plats, un vide s’installe progressivement en elle. Quel est le poète qu’elle préfère ? cette petite question devient une obsession… elle ne sait plus ! Elle, la lettrée.
Trop tard, elle se le rappellera… c’est Gérard de Nerval.

Je suis le Ténébreux, le Veuf, l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.

Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène…

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

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Je vous le recommande.

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Lien du reportage « Amélie Nothomb, une vie entre deux eaux »
D’autres billets chez Argali, Hérisson, Mango
, Aifelle, Anne,

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Hiroshige
Hiroshige

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36 réflexions au sujet de « La nostalgie heureuse »

  1. J’aime beaucoup Amélie Nothomb en tant qu’être humain et personnage haut en couleur. J’ai vu ce reportage sur France 5 et il m’a beaucoup plu et beaucoup touché. Il y a longtemps que je ne l’aie pas lue car je suis moins enthousiasme sur ses livres que sur elle-même.
    Ceci dit, tu ne nous dis pas ton ressenti et ne nous donne pas ton avis dans ta chronique mais c’est ton droit bien entendu. Tu donneras envie de le lire aux fans d’Amélie et ils sont nombreux…
    Bises et bon vendredi.

    • C’est vrai ! ce billet n’est pas construit comme d’habitude. Mais j’ai mis que je le recommandais. Ca veut tout dire, non ? Oui j’ai aimé. Je parle d’une réconciliation avec l’auteur. J’ai peut-être mal formulé ma phrase… Je vais voir.
      Je préfère ce genre d’histoire à toutes ses dernières.
      Passe une belle journée !
      PS : Tu n’as pas dû lire ma phrase :
      « C’est ainsi que j’aime l’auteur, dans ses récits personnels qui content le temps du Japon. En ce sens, ce livre fut un plaisir de lecture, une réconciliation. »

      • Oui tu as raison, j’avais vu les récits personnels mais loupé le mot « réconciliation ».
        Les commentaires qui me suivent traduisent aussi mon avis sur Amélie. Toutefois, entre autobiographie et autofiction il y a de la marge mais je la crois sincère…un sacré personnage !

  2. Je ne lis que les récits autobiographiques d’Amélie, pas ses romans. C’est une personnalité qui m’intrigue et qui attire la sympathie, j’ai aimé ce retour au Japon, pour le pays et pour ce qu’elle raconte de ce qu’elle a ressenti. J’avais vu le reportage que j’avais aimé également.

    • Oui, elle écrit bien, même si ces derniers romans ne m’ont pas emballée, mais lorsqu’elle parle du Japon et cette vie « exotique » elle a une plume particulière .

  3. J’avais vu le reportage aussi (je ne loupe jamais ses passages à la télé, j’adore son personnage ;0) Je ne l’a lis pratiquement plus mais ce qui est sûr c’est que je la préfère dans l’autobiographie que dans ces romans… Celui ci est noté, mais j’attendrais sa sortie poche maintenant !! Bises Syl

  4. Hello Syl,
    Moi aussi je l’ai vue plusieurs fois à la télé, en parler. Elle est entière, cette Amélie, je l’aime bien ! Elle est attachante, intelligente, « nature », tout ce que j’aime chez une femme, et en plus elle écrit et elle cartonne 😆
    Le Japon et Amélie une histoire d’amour, on le sent.
    Ses retrouvailles avec sa Nounou étaient touchantes. Je le lirai ce livre.
    Gros bisous pour ton we

    • Il faut que je retrouve ce document sur le net. Je ne l’ai pas vu. Déjà dans le livre la rencontre avec la nounou était touchante.
      Bon week-end à toi aussi… bise

  5. J’ai aussi vu le reportage et donc je ne vois pas l’intérêt de lire ce roman car il semblerait que le reportage soit le roman. De plus, je ne comprends pas l’engouement pour cette auteure qui a l’air au demeurant très sympathique.
    ps : je l’ai croisé en bas de mon travail un midi.

    • San-Tooshy, à l’instant où tu me déposais ton commentaire, je regardais la vidéo du documentaire. Il me manque les trois dernières minutes, c’est vraiment dommage qu’elles aient été mangées par l’enregistrement. Le reportage n’est pas le roman, il est un complément. J’ai perçu bien plus d’émotions dans le livre.
      L’engouement… ces derniers temps, elle est plus souvent critiquée qu’encensée. C’est un personnage d’une autre dimension, une artiste, elle mérite sa notoriété bien plus que certains.
      Bon week-end !

      • Je ne partage pas ton enthousiasme ( ben oui lil fallait que je t’embête) mais c’est bien qu’elle ait ses fidèles. Car ce ne sont pas les critiques qui font un auteur mais bel et bien ses lecteurs. Cela dit, certains avaient l’air de dire que si tu avais vu le reportage tu pouvais te passer du bouquin. J’ai été ému de ses retrouvailles avec son ancienne nounou. Ca m’a fait mal au coeur de voir cette petite femme délaissée.

        • Ce sont les ressentis de chacun. Je préfère le livre qui te chuchote les mots. On y met toujours plus d’affectivité, on brode, tu peux te poser entre deux phrases et partir dans ton imaginaire… Pour les retrouvailles avec Nishio-San, il y a un petit plus qui n’apparaît pas à l’écran. Amélie se contient pour ne pas déborder d’émotions car au Japon c’est mal perçu. Dans le livre, elle écrit ce qu’elle ressent, et dans son sanglot retenu, elle nous fait rire. Elle raconte qu’à son grand désarroi, elle se mouche dans la chevelure de sa nounou… enfin, c’est dit autrement, mais c’est tout à fait ce qu’elle vit, et c’est horrible !!! Alors en lisant, tu as ta petite larme qui va dégringoler et tu rigoles en même temps.

  6. Une jolie découverte Syl, merci beaucoup.
    J’ai lu plusieurs papiers sur Amélie Nothomb, je dois avouer qu’elle m’intrigue beaucoup.
    Je te souhaite une très bonne fête de Saint-Valentin, bisous.
    Lylou

    • Je trouve que ses livres ont une « valeur » inégale. Le terme « valeur » n’est peut-être pas beau pour parler d’un style ou d’une intrigue, mais j’étais plus séduite dans ses premiers romans que dans les derniers. Si tu veux la rencontrer, lis ses débuts lorsqu’elle parle de son enfance, sa nounou (« Métaphysique des tubes ») et sa formation en tant que « dame pipi » d’une multinationale (« Stupeur et tremblements »).
      Bon week-end…

  7. Syl j’adore ton billet, j’ai apprécié le reportage ,mais déjà j’oublie. Je ne suis pas une fan d’Amélie, je n’ai lu que stupeur et tremblement ( j’ai beaucoup aimé d’ailleurs), peut-être j’aimerai ses autres romans. Mais ce titre me tente beaucoup , si je craque tu seras responsable!!!!

    • J’ai vu le reportage ce matin ! C’est à croire que je suis la seule à ne pas l’avoir vu.
      Vas-y ! craque et viens me demander des comptes si tu n’aimes pas…
      En fait, il faut lire cette histoire comme un témoignage de sa vie. C’est écrit simplement, avec humour et émotion. Ne pas chercher le génialissime dans l’affaire, juste apprécier ce qu’on nous confie.

  8. Je suis d’accord avec MTG : elle est vraiment touchante dans le reportage (je n’avais pas prévu de le voir et suis restée vissée à mon siège : beaucoup d’intelligence, de finesse, une certaine modestie. ) Bisous (je vais peut-être me réconcilier avec elle, moi aussi)

    • C’est vrai qu’elle est belle à l’écran, surtout quand elle sourit. Elle est douée, très intelligente, elle manipule peut-être (je ne sais pas mais elle le dit dans le reportage), c’est un personnage à part…
      Bise Phili

    • Aille ! Ys, je ne sais pas. Sincèrement, je ne peux pas te répondre. J’aime l’auteur, mais je n’ai pas été dupe de ses dernières parutions. Quand je n’aime pas, je le dis sans tendresse particulière. Il faudrait que tu le lises et me le dises.
      Biz

  9. Tu me donnerais presque envie, si je lisais du Nothomb. Mais en fait je n’aime pas le personnage. Je n’ai pas envie de lire ses livres. C’est débile, je sais. Ceci dit, pour ma défense, j’avais lu son premier (tout le monde criait à l’oeuvre d’art et je ne m’en souviens plus du tout).

    • « Stupeur et tremblements » n’était pas une œuvre d’art, c’est un petit livre drôlement bien tourné, et très rigolo. J’ai aimé l’absurde des situations. Tu n’es pas obligée de la lire tu sais…
      Je passe à ton commentaire suivant. Tu es restée un petit moment chez moi cet aprem ! J’aurais bien aimé t’offrir un thé ou un coca !

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