10 000 au coeur de l’Empire

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Paul Kearney

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Sur une plage, les pieds enfoncés dans le sable, le regard portant sur la vision cotonneuse de l’écume, Rictus, gravement blessé, est prêt à mourir. Leur combat, leur rage, est devenu une défaite, la fin de leur monde. Il reste seul. Les hommes de Gan Burian ont vaincu. Trois fantassins s’approchent en catimini, tels des crabes. Rictus voit sur leurs faces, la jouissance du dernier assaut. Ivres de batailles, de sang, ils s’approchent pour une ultime estocade.
Rictus n’éprouve aucune haine, sa férocité s’en est allée avec son peuple, il attend d’être occis lui aussi, telle est la règle. Mais avant de se résigner à trépasser, il souhaiterait que ces créatures grotesques soient dignes et désire, dans un sursaut, partir avec bravoure et noblesse.
La bagarre cesse rapidement, Rictus est fait prisonnier. Son corps est une épave, ligotée et traînée. Pourquoi ? demande-t-il. Remion, le plus vieux et le plus sage des trois, regarde ses meurtrissures et la plaie béante dans son flanc. Il lui répond avec beaucoup de tristesse « J’ai eu un fils ».
Sur les hauteurs de la ville Isca, il force Rictus à voir le carnage, les pillages, les viols. Sa belle citadelle aux toits de tuiles, cernée de remparts, périt par le feu.
Le peuple des Macht, des monts Harukush, s’est déchiré. Les Iscans, des guerriers, ont perdu car les Gan Burian, des paysans, ont fait alliance avec les Bas Mathon et les Caralis.
Las de la guerre et admiratif de son courage, Remion libère Rictus. Ni séquestration, ni esclavage, ni torture, pour le jeune Iscan, qui devient alors un ostrakr, un homme sans terre, sans patrie, un vagabond. Avant de quitter le sol qui l’a vu naître, Rictus se dirige vers la ferme de son père pour un dernier recueillement ; morts et incendies. Sa vie va être une errance.

Traversant forêts et monts, il rencontre une troupe de voyageurs qui se rend à Machran. Parmi les commerçants, il fait la connaissance d’un jeune cadet, Gasca, qui rêve de revêtir la cape écarlate des guerriers mercenaires.
Rictus décide de les accompagner et de devenir un centurion. L’art de la guerre était l’apanage de son clan.
Dans la ville, les deux jeunes gens qui ont sympathisé, rencontrent pour leur recrutement un des grands chefs centurions, Jason de Ferai. Gasca, grâce à sa panoplie de soldat, devient hoplite, quant à Rictus, pauvre erre famélique et désargenté, il ne peut devenir qu’un gymnète, un soldat-serviteur.
« – Vos noms, demanda Jason.
– Gasca de Gosthere.
– Rictus de… J’étais citoyen d’Isca.
Par les dieux ! Ce jeunot avait reçu la formation des combattants d’Isca. Quel dommage ! Sans un équipement convenable, il n’avait aucune utilité pour le centon… pas au combat.
– La grande Isca qui a engendré tant de héros. J’ai entendu dire que ses murailles ont été rasées et que toutes les femmes qui y vivaient ont été pénétrées de six façons différentes. Où étais-tu, pendant que vos ennemis incendiaient ta cité ?
Telle fut la question que Jason posa à Rictus, en soulignant son côté insultant par une grimace.
– Conduisais-tu des chèvres en pâturage ou t’abritais-tu derrière les jupes de ta mère ?
Jason étudia les adolescents – car ils n’étaient pas encore des hommes – de la tête aux pieds. Il voulait l’Iscan. Il aimait sa force et la souffrance qui voilait son regard. »


Les escadrons se préparent pour une expédition. Cent-dix-sept navires et dix mille guerriers partiront vers les terres des Kufr, par la mer.
Le prince Arkamenes rêve de gloire et d’empire. Il a payé cette armée pour usurper le trône de son frère, le Grand Roi Ashurnam.

La légende prend vie. La déesse Antimone, protectrice des Macht, prépare son voile qui sépare la vie de la mort. Les batailles seront tragiques et Rictus prouvera sa valeur et son honneur en portant le Divin Fléau, la cuirasse noire indestructible créée par le dieu forgeron Gaenion à partir des ténébres.

Ce livre raconte une épopée antique, un mythe. Dès les premières pages nous sommes au coeur des bataillons, dans la sueur et le sang. Il m’est difficile de donner un avis car ce roman est le premier du genre que je lis et je n’ai donc aucun point de comparaison. J’ai aimé les héros, les vaillants soldats, la fraternité des hommes, leur courage, la narration de leurs marches et de leurs stratégies. J’ai aimé la résonance des mots, des noms, un vocabulaire qu’il a fallu que j’apprivoise. J’ai aimé la démocratie instaurée au sein de l’armée, les grands chefs mercenaires qui votent toutes grandes décisions… Je n’ai pas trop aimé la répétition des combats, même si c’est un livre guerrier, et ce que j’ai encore moins aimé c’est la fin ! Je l’ai trouvé abrupte. Je croyais que l’auteur avait prévu une suite et à la lecture d’une interview, j’apprends que non. J’aurais aimé retrouver Rictus, le voir homme, affranchi de son passé, de ses fantômes et de sa dette.
Un livre dur et captivant (pour une novice).

Interview de James Long, du blog Speculative Horizons, à l’auteur Paul Kearney à propos de son roman 10 000 – Au cœur de l’Empire. (lien)

P.S. à Mélo : Je n’ai pas appris pourquoi Rictus portait ce prénom. Au fil de la lecture, j’imaginais une petite cicatrice au dessus de sa lèvre. Lors d’un passage, on nous décrit cette marque, une blessure, mais était-ce de naissance ou suite à une bataille ?

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Peinture « Romulus et les armes d’Acron » de Ingres
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