Je vois des jardins partout

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Challenge Chlorophylle
Un livre offert par Jérôme

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9782709634434.inddJe vois des jardins partout
Didier Decoin

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Didier Decoin commence son livre par quelques souvenirs. De son bureau, la fenêtre offre une perspective de rêve : mer et jardin, 367 agapanthes, bleu et bleues. On imagine le petit vent léger de l’été qui berce les hautes fleurs, dans un même mouvement que des vagues. A ce décor, on y ajoute un chat et des livres.
« … si je ne vois de l’avenir ni le proche ni le lointain, par contre je vois des jardins partout.
Il en a toujours été ainsi, aussi loin que je remonte dans ma mémoire. Il me suffisait pour ça d’ouvrir les yeux. »
Déjà enfant, il était contemplateur. Sensible aux odeurs, aux formes, aux couleurs, il emmagasinait les sensations et glorifiait leur majesté. A cette mémoire, il mêle la lecture et les jardins. En parenthèse, il nous livre une petite anecdote qui fait sourire… il est de ces lecteurs qui ne peuvent vivre une journée sans un livre ; sinon, il est « livresquement nu ».

Ses lectures, le jardin de Bagatelle, ses voyages, l’Angleterre, Lake District… ce sont des châteaux qui s’implantent en campagne, avec leurs fantômes, leurs jardins.
Il y a Westwell Manor et Anthea Gibson. Cette paysagiste a créé Le Jardin de la Lune qui suggère des senteurs gourmandes « d’orange, de miel et d’amandes ». Sissinghurst Castle de Vita Sackville-West avec le célèbre Jardin Blanc ; teintes blanches à l’infini. Le jardin en Ecosse de Osgood Mackenzie qui parle de rêves…
Puis le Trianon à Versailles, la villa de Noailles à Grasse, les jardins de Serre de la Madone à Menton… des décors émouvants, musicaux, odorants…

Cette passion, il la partage avec sa femme Chantal et ses amis de la Cinquième Saison, un cercle de fervents. Il nous conte suivant le dédale de ses pensées, quelques unes de ses visites parmi les 2.200 parcs et jardins de notre patrimoine, louant les artistes qui les ont inventés.
Il n’est pas un jardinier ouvrier mais un jardinier jouisseur. La nature se renouvelle, elle vit et se révèle toujours différente. Il aime sa poésie.
« J’aime assez les jardins un peu clochards, un peu démissionnaires (que ce soit de leur faute ou non), haillonneux, avec des pointées de ronces, au bord de l’abandon.
Je les appelle des « doucets ». Ca veut bien dire ce que ça veut dire, qu’il s’en dégage en effet de la douceur, une douceur grise, pelucheuse, cendre et nuage… ».

Les confidences de Didier Decoin sont délicieuses, sensibles, elles inspirent l’envie et ont de la grâce. Elles sont une ode et un hommage. Poète jardinier.
Il dit que toute personne représente un parfum. Pour Vita, il la pare des senteurs poudrées des fleurs de thé et des roses bulgares. J’essaie de me définir et mes goûts m’amènent sur des essences d’iris, de bergamote, de roses et une petite touche de seringat. Qu’en est-il de vous ?

Je vous conseille ce livre. Il me rappelle le livre de Philippe Claudel, « Parfums », que j’avais beaucoup aimé.
Je te remercie Jérôme ! Ce fut une belle promenade.
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« Bulbes, tubercules, oignons, rhizomes : ce quatuor masqué a toujours défié mon imaginaire. »

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Des billets chez Cachou, Anne, Keisha, Dominique,

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Le jardin blanc

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le jardin blancLe jardin blanc
Stephanie Barron

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Rodmell, le 28 mars 1941,
Elle vient de terminer « Entre les actes » et Leonard la trouve fatiguée, désenchantée. En effet, Virginia se sent fragilisée, si osseuse, vieille, trop sensible à la folie qui la menace. Après le jardin de Monk’s House, il y a la Ouse qui serpente et qui remue. Le vent de mars culbute les herbes et brouille l’onde. Elle a toujours été attirée par l’eau et cette rivière l’appelle.
Virginia Woolf est morte ce jour.

Kent, Octobre 2008,
Jo Bellamy est une paysagiste américaine. En Angleterre, on dit « jardinière ».
Engagée par un richissime homme d’affaires, Gray Westlake, elle doit reproduire dans sa propriété de New-York, le Jardin Blanc de Vita.
Sissinghurst Castle, aujourd’hui propriété de la National Trust, a appartenu aux Nicolson en 1930. A l’époque, l’ensemble du domaine, maisons, tours, dépendances et jardins, était en ruine et Lady Nicolson, connue sous le nom de Vita Sackville-West, romancière-poétesse, mit tout en œuvre pour le restaurer. Avec son mari, elle a dessiné les plans et a créé le site magnifique qu’on continue à admirer de nos jours.
Le jardin aux roses, le passage des tilleuls, le jardin paysan, le petit canal, la noiseraie, le jardin aux herbes, le verger et… le jardin blanc.
Le blanc pour unique couleur, le jardin enthousiasme Jo. Se perdre dans les roses, les mufliers, les buis, les arums, la glycine, les pivoines… dans leurs fantasques compositions ou leurs ordonnances géométriques… est un enchantement.
Octobre n’a pas une floraison luxuriante, mais, le temps de la fermeture annuelle, le hors-saison a ses privilèges. Jo s’abandonne et se recueille en pensant à son grand-père qui lui a transmis la passion du jardinage.

Le vieil homme, Jock Bellamy, s’est suicidé récemment et n’a laissé à sa petite-fille qu’une lettre écrite à ses parents en 1941, juste avant son départ pour la guerre. Il demandait leur pardon pour son engagement et parlait d’une « Dame » au regard sombre. Une aura de mystères et de secrets incite Jo à consulter les registres d’états civils et paroissiaux. Elle découvre ainsi que dans sa jeunesse, vers ses dix-sept ans, son grand-père avait travaillé à Sissinghurst, pour les Nicolson. Une révélation qui paraît surprenante sur l’instant mais qui perd de son intensité après réflexion… La famille Bellamy vivait à Knole House, un domaine dans la campagne du Kent qui appartenait aux parents de Vita Sackville-West.

Pour réaliser la copie du Jardin Blanc, Jo demande à voir les documents archivés ; plans, mesures, conception… mais c’est dans un cabanon abandonné qu’elle fait une découverte déconcertante. Une boîte ordinaire recèle un cahier sans prétention portant une étiquette : « Le livre de Jock ».
Le récit est un journal qui commence un 29 mars 1941. « Quand un être meurt, on dit que son fantôme nous hante parfois. » Les mots « désespoir, évasion, chant de la vie : Vita ! »… racontent une histoire incroyable. Jo associe le style d’écriture à celui de Virginia Woolf, la célèbre romancière et grande amie de Vita. Mais l’incohérence des dates rend l’évènement impossible. Virginia n’aurait pas pu l’écrire puisqu’elle s’était suicidée le 28 mars 1941.
Une question en fait naître cent autres ! Comment ? Pourquoi ? Qui ? Quel rôle a eu Jock dans ce mensonge ? et « Qui a tué Virginia Woolf ? »

Délaissant le temps de quelques jours le Jardin Blanc, Jo part chercher des réponses auprès des experts de Sotheby’s à Londres. La jardinière en chef de Sissinghurst veut bien lui confier le manuscrit pendant vingt-quatre heures. Les passions vont se déchaîner si l’expertise se révèle authentique…

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Ce titre figure dans les rentrées littéraires et je le classe dans « enquête policière » ; américaine pour l’auteur, anglaise pour l’ambiance et les décors.
Si je n’ai pas été sensible à l’intrigue, au style et aux personnages contemporains, le livre aura eu le mérite de me faire découvrir deux femmes exceptionnelles ; Vita et Virginia. Partir en quête d’informations a été un véritable plaisir. Côté jardins de rêve, Sissinghurst a une part importante. Lire : digitales, lupins, aubépine, pyramides d’ifs, dédales de buis…, m’emporte autant qu’une aventure passionnante !
A partir de la découverte d’un livre, beaucoup de choses sont remises en question et défraient le monde littéraire. Nous traversons une époque, celle de la Seconde Guerre mondiale, une région, le Kent, et côtoyons un groupe d’artistes et d’intellectuels, le Bloomsbury Group.
Mon appréciation du roman est scindée. Je l’ai aimé pour l’ouverture qu’il offre, je voudrais lire Vita et Virginia, mais je n’ai pas été sensible à l’écriture de Stéphanie Barron. Je pense que la traduction est en grande partie responsable. De plus le scénario est à mon goût un peu trop léger, même si la trame est intéressante, et le soupçon de romance ne m’a pas convaincue.
Je tiens à préciser que cet avis est personnel, car mes copines de lecture sont bien plus clémentes que moi. Heureusement !
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D’autres billets chez Cryssilda, George, Alice, Titine, Karine, L’Irrégulière,

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Virginia Woolf, 1917
Virginia par Roger Fry
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