A l’aveuglette


Juin en Angleterre avec Lou et Cryssilda
et
une année en Angleterre avec Titine

 

A l’aveuglette
Patricia Wentworth

 

Pour rendre service à son amie Ivy Hodge, Flossie Palmer accepte de se faire passer pour elle durant un mois chez Miss Rowland, où elle travaillera comme domestique. Dès le premier jour, la cuisinière l’informe des us draconiens de la maison, car toutes les tâches sont orchestrées à heures fixes et les rituels sont immuables. Miss Rowland étant malade et alitée, rien ne doit venir la perturber. Seule son infirmière personnelle fera le lien entre elle et la domesticité.
Le soir même, après avoir apporté le chocolat chaud, Flossie s’aventure dans un salon où elle admire tout le décorum. Les tentures en velours, les objets, le piano et l’immense miroir à l’encadrement surchargé de dorure.  Mais en poussant sa visite dans les profondeurs de la pièce, elle s’aperçoit que le miroir a fait place à un trou béant et que de cette bouche noire en sort un homme à la tête ensanglantée et au regard cruel. L’épouvante est telle que Flossie s’enfuie de la maison en courant…

Miles Clayton se retrouve sans argent après s’être fait voler juste avant d’arriver à Londres. Secrétaire particulier et homme de confiance d’un riche homme d’affaire New-yorkais, Mr. Macintyre, il a été mandaté pour rechercher une jeune fille de dix-neuf ans dont il ne connaît ni le nom, ni le prénom. Nièce et future héritière de son employeur, il n’a pour s’orienter qu’un vieux courrier, une adresse et le nom de la personne qui les hébergeait, elle et sa mère, vingt ans auparavant.

En pleine nuit, Flossie et Miles se retrouvent prisonniers d’un épais brouillard, incapables de faire un pas de plus. A l’abri dans l’embrasure d’une stèle, tous deux vont lier connaissance ; Flossie racontant le pourquoi de sa fugue et Miles expliquant sa mission. Miles la sermonnant d’être partie sans chercher une explication sur la fantasque apparition et Flossie se moquant de son impossible affaire qui s’annonce pire que de chercher une aiguille dans une meule de foin.
Rapprochement éphémère, au lendemain matin chacun s’en retourne à sa vie sans songer qu’un jour ils se reverront. Et c’est lors d’un dîner que tous deux auront la surprise de se rencontrer à nouveau ;
l’un en tant que convive, l’autre en tant que serveuse…

Pris en charge par un vieil ami, Ian Gilmore, agent au ministère des Affaires étrangères, Miles commence son enquête en mettant des annonces dans les journaux et Flossie qui a réintégré la maison de sa tante qui l’a élevée, apprend que son amie Ivy est entre la vie et la mort depuis qu’on a repêché son corps dans la Tamise. En retrouvant Miles, Flossie n’hésite pas à lui en parler...

Chez Miss Rowland, une nouvelle domestique a pris la place. Kay Moore, une jeune orpheline, semble tout aussi aventureuse et émotive que Flossie car en voyant la vieille dame pour la première fois, un malaise s’empare d’elle, et lorsque la nuit  d’étranges bruits la réveillent, elle ne manque pas d’aller fureter dans les couloirs. Elle découvre alors que les communs où logent les domestiques sont fermés à clef et qu’il lui est impossible de circuler ailleurs.

Flossie, Kay, Miles et une pléthore d’autres personnages sont pris dans une toile qui les mène tous vers une même histoire et un collier de perles noires. Des chassés-croisés providentiels, telles des synapses, les mettent en relation dès les premiers paragraphes et donnent un rythme impétueux, mais aussi théâtral et alambiqué. Ce n’est que dans la dernière partie que les intrigues prennent du sens, lorsque les mystères se dévoilent.
Qui est Miss Rowland ? Qui est l’homme passe-miroir ? Où est l’héritière ? et tant d’autres questions que l’on se ressasse…
Pour ce roman, Patricia Wentworth a été publiée en 1935. Elle plonge le lecteur dans une ambiance très anglaise du début du XXè siècle et décrit une classe ouvrière qui se montre moins timorée avec la bourgeoisie, plus impertinente. Un peu de romance et de noirceur gothique étoffent une intrigue policière assez plaisante. Il me plairait donc bien de lire d’autres livres de l’auteur…
A suivre !

Tableau de Albert Braitou-Sala

 

 

La disparue de Noël


Il était cinq fois Noël de Chicky Poo et Samarian
Challenge Polars de Sharon

 

 

La disparue de Noël
Anne Perry

 

La saison londonienne se termine en ce début de décembre, et l’aristocratie anglaise commence à regagner les résidences de campagne pour préparer les fêtes de Noël. Invitée à Apple Cross, le manoir dans le Berkshire de Lord Omegus Jones, Lady Vespasia Cumming-Gould retrouve des connaissances.
Intelligente et pas dupe de la parade et du verni sophistiqué de la bonne société, elle observe et note in petto les hypocrisies, les prétentions et les faiblesses de ses « amis ».
C’est lors du dîner que l’histoire s’ébauche, lorsque
Isobel Alvie harponne par une pique vitriolée la douce Gwendolen Kilmuir. Jeunes et déjà veuves, toutes deux convoitent le même fringant célibataire, et par jalousie, Isobel fait ressurgir devant toute l’assemblée une vieille calomnie concernant sa rivale qui quitte la table bouleversée. Le lendemain matin, Lord Omegus apprend à ses invités le suicide de Gwendolen, morte noyée dans un étang du parc.
« Coupable ! ». Tous jugent l’insensibilité d’Isobel responsable du drame et la sanction ne tarde pas à tomber. Si elle ne fait pas acte de repentir, elle sera exclue de leur société, bannie à jamais.
Homme sage et bienveillant, Lord Omegus suggère donc qu’elle parte en Écosse pour annoncer le décès et remettre la lettre qui contient les dernières volontés de la défunte, à Lady Naylor, sa mère. Pour étayer cet arbitrage, il s’appuie sur une vieille coutume médiévale qui punissait les coupables par l’expiation.
Expiation et absolution… En compagnie de Vespasia qui va lui être d’un grand soutien et lui inspirer beaucoup de courage, Isobel prend les routes vers le nord de l’Écosse, une région des Highlands rude, glaciale et coupée du reste du monde.
Le voyage sur des poneys sera long et rédempteur. Il dévoilera aussi les causes cachées qui ont poussé Gwendolen à commettre cet acte désespéré.

Cette nouvelle de Noël est la première d’une série qui compte à ce jour treize tomes. Et pour une fois, Anne Perry ne nous offre pas une histoire avec un criminel à découvrir. Lady Vespasia Cumming-Gould est un personnage récurrent de la saga « Charlotte Ellison et Thomas Pitt ». Elle est le témoin d’un drame et prend pleinement part à l’histoire pour aider son amie Isobel. Finement décrit, l’auteur relate la condition féminine dans la haute société victorienne et donne à son roman deux beaux portraits de femmes avec les personnages de Vespesia et Lady Naylor.
La pénitence par le repentir, la neige, l’Écosse magnifique et inhospitalière,
le pardon, et Noël… une lecture à découvrir en décembre.

 

 

 

 

 

 

Le crime d’Halloween

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« La maison hantée d’Halloween » de Lou et Hilde,
8ème billet,.« Classique » de Stéphie

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le crime d'HalloweenLe crime d’Halloween
La fête du potiron
Agatha Christie

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Woodleigh Common, le 31 octobre,

La célèbre romancière Ariadne Oliver, spécialiste dans les histoires policières, passe quelques jours chez son amie Mrs. Butler, dans le village de Woodleigh Common.
Au soir d’Halloween, qui solennise aussi le passage des enfants du primaire au secondaire, elle aide Mrs. Drake à décorer les lieux de la fête ; guirlandes, bouquets, citrouilles, bougies, balais, miroirs, paniers de pommes rouges… Une belle effervescence règne dans la demeure. Enfants comme adultes installent les réjouissances et investissent toutes les pièces, couloirs et grenier.
Impressionnée par Ariadne Oliver, Joyce, une jeune fille de treize ans, se rapproche d’elle et engage la conversation. Elle se targue alors devant tout le monde d’avoir assisté à un meurtre, quelques années auparavant. Elle devait être bien jeunette ! La confidence est surprenante mais elle n’est pas prise au sérieux car Joyce a la fâcheuse manie de travestir la réalité et de s’imposer. La révélation se noie aussitôt dans les préparatifs des jeux.
Le soir même, les animations se passent sans incident, dans la bonne humeur, et c’est lors du départ des invités qu’on s’inquiète de la disparition de l’adolescente.

Londres, peu de temps après,

Hercule Poirot s’ennuie, la retraite le navre. Il attend son amie Ariadne Oliver, une femme charmante, bien que trop « fantaisiste » à son goût.
Lorsqu’elle arrive, elle est bouleversée. Un drame vient de se produire et elle réclame l’assistance du détective.
On a retrouvé Joyce morte dans la bibliothèque. La tête plongée dans une bassine d’eau, la bouche entravée d’une pomme.
Le jeu consistant à prendre une pomme dans l’eau avec les dents a été funeste, et tout porte à penser que c’est un crime et non un accident
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Hercule écoute Ariadne raconter l’évènement et songe déjà à Woodleigh Common. Un ancien ami y réside, le commissaire Spence.

« Hercule Poirot jeta un coup d’œil par-dessus le portillon d’entrée de La Crête du Pin, ravissante maisonnette moderne. Il était légèrement hors d’haleine. Cette charmante maison avait été bien nommée, perchée qu’elle était au sommet d’une colline plantée de quelques pins épars. Un homme de bonne taille et d’un âge certain poussait une brouette, dans une allée de son petit jardin bien entretenu, un énorme arrosoir en fer galvanisé.
Au lieu des quelques mèches de cheveux blancs qu’il aurait dû avoir sur les tempes, la chevelure du commissaire Spence était devenue d’un gris uniforme. Et il avait pris du ventre. Il s’arrêta de secouer son arrosoir et regarda le visiteur planté à sa porte. Hercule Poirot ne bougeait pas.
– Dieu me pardonne ! s’exclama le commissaire Spence. Ce n’est pas possible, et pourtant si. Oui, c’est bien lui. Hercule Poirot, aussi vrai que j’existe.
– Tien, tiens ! sourit Poirot. Vous m’avez reconnu. Cela fait plaisir.
– Pourvu que vos moustaches ne cessent jamais de pousser ! »

Sur les lieux du crime…

Il est agréable de se rappeler les jours anciens et les relations communes. La nostalgie est alors heureuse ! Au commissaire Spence, Hercule avoue se teindre les cheveux et s’imposer une tournure toujours aussi amidonnée… sa coquetterie ne faillit pas ! mais sa venue est à l’origine d’une triste affaire, elle n’a rien de plaisant.
Hercule sait qu’un policier à la retraite est toujours un policier, et il espère que le commissaire Spence lui apportera les éléments susceptibles de commencer son enquête. Sur ce il ne se trompe point. Spence l’informe.
Si Joyce est morte assassinée, ça veut dire qu’elle n’avait pas menti, qu’un meurtre a bien eu lieu et que le coupable vit dans ce charmant bourg. Des noms tirés de la liste des personnes présentes durant la journée d’Halloween se mêlent à d’autres qui se reportent à des histoires du passé. Morts, disparitions, héritages spoliés, amours contrariés, sont les soubassements de ce mystère.

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Ce roman a été édité en 1969, sous le titre « La fête du potiron ». Il est dans les dernières enquêtes d’Hercule Poirot et nous lisons un détective toujours aussi brillant, mais fatigué. Affublé de ses chaussures vernissées et d’un style vestimentaire suranné, très apprêté, il m’a semblé vieilli. Sa condescendance est moins soulignée et son humour teinté d’ironie n’a plus autant de mordant. Nous sommes dans une ère moderne où l’on commence à parler des premiers ordinateurs… « – Vous savez à quoi vous me faites penser ? lança Mme Oliver. A un ordinateur. Vous vous programmez vous-même. C’est bien comme ça que ça s’appelle ? Vous ingurgitez toutes sortes de données tout au long de la journée et vous attendez de voir ce qui va en sortir ensuite. »
Ariadne Oliver a rencontré Hercule Poirot dans « Cartes sur table ».
Agatha Christie aurait fait d’elle un auto-portrait, avec plus de fantaisie. C’était une belle façon d’entrer dans la fiction et d’approcher son héros !
L’histoire est tout aussi captivante que les précédentes et son dénouement confirme mon idée : je ne serais jamais une bonne enquêtrice. J’ai soupçonné tout le monde sauf les bonnes personnes.
Les victimes, car Joyce ne sera pas la seule, inspirent peu de sympathie. Pourtant, elles sont bien jeunes ; leurs âges à elles deux totalisant à peine vingt-trois ans. La duplicité, la vantardise, la cupidité, l’impudence, sont des défauts que l’on rencontre à tout âge. A cela s’ajoute un
tempérament fantasque et obsessionnel d’un autre personnage tout aussi immature. Cela en est dérangeant et donne à cette lecture une certaine amertume.
Les coupables sont machiavéliques et offrent des prestations théâtrales presque risibles si le ridicule n’était pas tant funeste.
Les décors sont ceux d’une Angleterre qui se modernise, un automne pluvieux et boueux, un village de carte postale et une nature belle qui se laisse dompter par des rêves.
Quel bon moment de lecture ! Monsieur Poirot, vos petites cellules grises pétillent d’intelligence et gardent tout leur éclat.
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D’autres billets chez Hilde, Sharon, Aymeline, Miss Alfie, LilasViolet, Strawberry, Soukee, Enna,

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