Le jardin de sable

Challenge Petit BAC d’Enna
Challenge Chlorophylle
Un livre offert par Babelio et les Editions Les Cahiers d’Illador dans le cadre des Masses Critiques

 

Jardin de sableLe jardin de sable
Patrick Gillet

« Au centre
Trois pierres noires
Dont une dressée
Autour
Un peu de mousse
Quelques bambous et un pin
Des cercles de sable ratissé
Blanc… »

Le moine jardinier Koseki ratisse le jardin de sable, un éden, en dessinant des ondulations et des lignes droites, le contemple et médite. Il a consacré une vingtaine d’années à l’entretien de cette parcelle de terre suivant les préceptes de Maître Myōan Eisai, le fondateur de l’école Rinzai, en quête de plénitude et d’éternité. Dans ce sanctuaire havre de paix, le monde terrestre touche le monde astral, tout est symbole et harmonie, l’esprit se connecte avec la nature, l’âme devient légère et le cœur cherche à se purifier. Suivant l’art du jardinage, le caractère religieux est en phase avec le cosmos et l’ésotérisme.
« Il est facile d’apprécier la beauté des fleurs pendant leur période de floraison, mais découvrir celle des jeunes pousses sous la neige relève d’une sensibilité plus subtile. »

Du sable, le temps qui s’écoule avec les saisons, du silence, du vide, l’éveil des sens à contempler la subtilité de la simplicité, de la poésie, le zen, la conscience de Koseki se trouble lorsqu’une jeune fille arrive pour pratiquer l’ikebana, l’art floral japonais. Sensible à sa délicatesse, son raffinement et à la sérénité qu’elle dégage, il se replonge dans le souvenir d’un amour de jeunesse.
« Elle saisit une fleur qui doit être orientée vers le haut et dont elle ne conserve qu’un seul bouton, qu’une seule feuille. »

Des touches de couleurs avec les fleurs évoquées, narcisses blancs, glycines mauves, cerisier fleurs, iris, renoncules… Hanako compose et s’élève vers la spiritualité. Elle est la fleur, Koseki est le minéral. Elle l’entretient de la voie des fleurs et il lui parle des sillons dans le sable… jusqu’au jour où « Comme un soleil matinal, une lumière douce embrase le cœur… ».

Douceur et mélancolie, poésie et philosophie, le conte nous mène vers une contrée délicate, épurée et nous raconte une culture fascinante, belle, sobre, complexe et très raffinée. Se mêlent à l’histoire et aux haïkus, les origines du chan (zen), les principes, les composants et le symbolisme des jardins japonais depuis l’Antiquité.
Avec des mots qui capturent et qui charment, la lecture devient une promenade initiatique avec l’Univers et nous invite dans notre « jardin intérieur ».
Je vous recommande ce petit livre…

 

 

Naissance d’un père

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Naissance d'un pèreNaissance d’un père
Laurent Bénégui

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« Plus tard Alessia apprendrait qu’elle était née lors de la tempête, et qu’au moment où se jouaient les premières heures de son destin des vents polaires s’écharpaient sur les barrières d’air fiévreux dressées au-dessus de l’océan.

De mémoire de côtier jamais les chaleurs de mai ne provoquèrent phénomène si soudain. Aux premiers roulement du tonnerre les goélands surgirent par centaines de l’azur enténébré, brassant leurs ailes au ras des falaises, s’enfuyant en direction des bocages où ils s’abattirent à l’abri des bois et des clôtures. Au large la houle s’ébranla, fouettée par le ressac, cinglée par une pluie lourde et, lentement, le dôme liquide enfla, submergea les brisants, masquant les îles voisines comme pour s’unir aux cieux électriques. Alors aux bourrasques succéda un souffle continu qui s’engouffra entre les trouées crayeuses de la côte, tordit la cime des arbres, arracha les charpentes et griffa la surface des lacs, à la manière d’une main colérique, désormais saisie du continent… »

Le roman s’invite par ces images, dans le déchaînement des vents ; un décor bousculé et romantique.
Le narrateur, Romain, nous confie son amour passionnel pour sa compagne Louise ; Louise qui est dans le dernier mois de sa grossesse. Il ne cache pas son appréhension sur le fait qu’il va être père. Lorsqu’il pense à la paternité, il se retourne sur son enfance et voit un géniteur absent, disparu, qui a laissé trois femmes et trois enfants. Mathématicien de renom, Léopold Longeville devait certainement trouver le mot « famille » plus abstrait que toutes les formules algébriques avec lesquelles il jonglait.
Alors qu’il quitte Louise bien à l’abri dans leur lit, pour accompagner sa demi-sœur Maya à l’aéroport, Romain n’imagine pas que quelques heures plus tard, il la retrouvera en salle de travail à la clinique. Car Alessia a décidé d’arriver en ce jour de tempête.

Il lui a laissé croire qu’il était prêt à s’occuper d’elles… il s’était persuadé. Amoureux et responsable. Les choses devant s’ordonner dans une suite logique, sentiments compris. Mais aux côtés de Louise, alors que le monitoring mesure des contractions plus ou moins fortes, Romain s’interroge et remet en question son engagement. Prêt ? Il ne faut pas se leurrer, il est loin de l’être !

Dans la salle, une autre femme est sur le point d’accoucher d’une petite fille. Sandrine, déjà mère trois fois, est ce qu’on appelle une multipare. Il apprend que le mari ne viendra pas, déçu et fâché de ne pas avoir de garçon. Étrangement, Sandrine n’a pas l’air de lui en tenir rigueur et sa conversation allège un peu la sacralité de l’instant. Des sourires complices, quelques confidences, et des mots rassurants. (Ce que nous lisons, nous nous le chuchotons).
Dehors, la tempête fait rage. Intérieurement, Romain est en accord avec ce désordre, extérieurement, il essaie d’assurer, proposant même son aide à cette inconnue.
Perdu dans un dédale d’émotions, il tâtonne et n’ose s’aventurer vers ce chemin inexploré. Puis très vite tout s’emballe. Louise met au monde Alessia et ça se passe bien. Quant à Sandrine, on doit la descendre au bloc pour une césarienne car le cœur de son bébé faiblit. Sur sa demande, Romain accepte de rester avec elle le temps de la préparation. Elle parle, il l’écoute… Plus tard, il apprendra que la petite Inès souffre d’une malformation cardiaque et qu’elle a été transférée dans une unité de soins intensifs pédiatriques.

Incapable d’avoir des gestes instinctifs envers Alessia, la prendre dans ses bras, lui souffler des douceurs, respirer son odeur, ni même simuler, Romain ne trouve pas sa place.
« Comment les hommes deviennent-ils père ? » La question enfle dans sa tête et s’étend. Qui était son père ? Pourquoi les a-t-il abandonnés ? Qu’est-il devenu ? A la recherche des réponses, Romain va se rapprocher de sa mère et se remémorer sa propre enfance, orpheline de tendresse. Le drame de Sandrine sera aussi très présent dans sa quête initiatique car il l’aidera à prendre conscience du bonheur d’être père.

Le roman s’articule autour de cette révélation, mais Romain n’est pas notre seul narrateur. A tour de rôle, chacun s’épanche et nous dévoile leurs pensées. Une dynamique qui enrichit le récit et qui donne à cette lecture un ton vif, intense, surprenant, si vrai !
De l’auteur, je n’ai lu qu’un roman, « J’ai sauvé la vie d’une star d’Hollywood », et je retrouve dans cette histoire ce tempo cinématographique qui m’avait plu, car les scènes défilent comme dans un film.
Ambiances chaotiques, charnelles, écorchées, intimistes, troublantes, graves, des mots de poésie, des mots d’amour, il n’en oublie pas son humour. Bénégui sait émouvoir… et témoigne d’une belle sensibilité.
Je vous recommande ce livre.

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D’autres billets chez… L’Irrégulière, Philisine, Noukette, Jérôme, Sandrion,

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Maurice Marinit
« L’enfant à la rose » de Maurice Marinit

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logo_babelioDans le cadre des Masses Critiques de Babelio
Partenariat avec les éditions Presse de la Cité

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Audur Jonsdottir

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Vous voyez cette couverture avec une jeune femme en apesanteur, une machine à écrire qui semble la fuir, des feuilles dactylographiées qui s’envolent… ? Je trouve qu’elle représente bien l’histoire de ce roman.
Pour se retrouver, Eyja désire écrire ; livrer sa vie et par la même occasion celle des autres, des âmes islandaises, abruptes et caillouteuses (deux termes pris dans le roman pour décrire les monts). Elle commence à tâtons des chapitres qui s’éparpillent entre des lendemains, des veilles, des temps nouveaux et des passés, puis s’affirme au fil des confidences. Ça semble brouillon,
éparpillé, peu évident, difficile et contrarié, mais ça vient des entrailles. Sa poésie est très personnelle, passionnée, fantasque, échevelée, en construction d’une vie qui tente de renaître.

Eyja est une jeune femme éteinte, qui va quitter son mari qu’elle appelle le Coup de Vent. De vingt ans son aîné, alcoolique, drogué par les barbituriques, destructeur, il est une épave qu’elle ne peut plus assumer. L’existence est devenue tellement pesante, si inutile ! C’est sa grand-mère qui l’incite au divorce et qui va l’aider à s’extraire de ce bourbier en lui offrant ses économies. Elle la bouscule, la ranime, la traite de feignasse et lui propose d’aller retrouver sa cousine en Suède.
Les premiers chapitres du roman qu’elle entreprend sont ceux des souvenirs et des questionnements sur son divorce. La déchirure de cet amour ancien et défait est douloureuse. Dans un style sauvage, authentique, elle nuance son présent et ce passé d’atmosphères colorées froides et chaudes, taiseuses et exubérantes. Ce coup de vent, comme elle l’a aimé !
Elle met en scène les personnes qui l’entourent et comme pour les indiens, elle leur attribue des surnoms et des légendes. Sa cousine est la Reine du ski, son amie est la Fille aux yeux d’oiseau marin… il y a le Sauveur et la Cantatrice… sa grand-mère, sa mère et tous les autres qui ont survécu à l’avalanche, une catastrophe qui n’en finit pas de causer la désolation. Leurs vies, sa vie, sont intimement liées et on perçoit quelques mystères.

Dans le milieu du roman, elle cite deux titres de Kundera qui pourraient être les siens, « L’insoutenable légèreté de l’être » et « La valse aux adieux ». L’auteur utilise une palette de personnages aux tempéraments bien distincts, puissants, écorchés, et sillonne de l’un à l’autre comme le fait Eyja.
« Tourner la page » n’est pas une lecture facile. J’avoue que je m’y suis noyée. J’ai aimé les aspérités, les résonances, l’âpreté des paysages, mais je n’ai pu m’attacher aux personnages. Les labyrinthes ont perdu la lectrice que je suis. Cependant… c’est un livre que je conseillerai.

L’auteur, Audur Jonsdottir, a déjà écrit six romans pour lesquels elle a reçu de nombreux prix.

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Vous trouverez d’autres avis moins critiques chez Nahe, Didi, La tête dans les livres,

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islande.

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