Un livre offert par Babelio et les Editions Scrineo
Mers Mortes
Aurélie Wellenstein
Depuis quinze ans, après de nombreuses catastrophes écologiques qui ont fait disparaître les mers et les océans, le désert s’étend à perte de vue et dévore patiemment les traces d’humanité. Mais ce ne sont pas le sable, le manque d’eau et les températures qui ne cessent d’augmenter qui sont les plus grandes menaces et qui forcent les survivants à vivre parqués derrière des remparts, ou même sous terre, ce sont les marées fantômes, d’énormes vagues qui charrient les cadavres des animaux marins. Tels des tsunamis, elles se rabattent sur les bastions et ramènent les esprits vengeurs des poissons venus absorber l’âme des humains. Méduses, raies, requins, baleines et autres monstres des abysses passent par une brèche qui sépare les deux mondes pour réclamer leurs tributs. S’il n’y avait pas les exorcistes pour établir un bouclier lors de leurs passages, il n’y aurait plus d’humanité. Oural est l’un de ces mages.
Du haut des remparts de la citadelle, quand il scrute l’horizon, Oural voit une ligne uniforme sans vie brûlée par le soleil. Il s’imagine parfois franchir cette barrière pour découvrir d’autres lieux crevassés, d’autres gens, mais conscient de l’importance de son rôle, il reste pour protéger son bastion où vivent près de mille personnes.
Ce vœu secret qu’il n’a jamais vraiment osé avouer à Sélène, son garde du corps et son amante, se réalise sous la contrainte lorsque une vague fantôme apporte un vaisseau pirate commandé par le puissant capitaine Bengale, ni spectre, ni zombie, un homme bien vivant qui a le pouvoir de détacher l’âme d’une personne, soit pour la tuer, soit pour l’emprisonner ; un nécromancien.
Venu spécialement pour capturer Oural, Bengale doit faire acte de violence en tuant une jeune fille pour obliger l’exorciste à le suivre. La mise en demeure est terriblement cruelle car Oural sait déjà qu’en laissant son peuple sous la garde de Durance, son apprentie seulement âgée de douze ans, c’est à la mort qu’il les abandonne.
Sur le Naglfar, une épave qui ne se régénère et ne se déplace qu’avec les marées, Oural fait la connaissance de l’équipage, des guerriers qui n’ont pas le regard tendre envers leur prisonnier. Entravé, il est de suite soumis à un assujettissement. Mais comment peux-t-il promettre loyauté à son geôlier ? Même après avoir écouté Bengale sur les raisons de son rapt, Oural ne pense qu’à s’évader pour retrouver les siens.
De marée en marée, le Naglfar vogue sur les lames fantômes en direction du Groenland, mais entre deux cycles, le bateau reste échoué sur le sable. C’est dans ces temps morts que Bengale explique à Oural ses projets et pourquoi il est obligé de partir à la recherche des âmes des exorcistes qu’il enferme dans des cages. Dans le grand nord, il est une créature qui aurait le savoir et la capacité de sauver leur monde. Tout sacrifice n’est pas vain et rien ne pourra l’arrêter dans sa quête. Il se dit apôtre et Oural le dit fou… cependant le voyage ne se fera pas l’un sans l’autre…
La lecture de ce roman de fantasy post-apocalyptique s’est révélée bien captivante ! Elle me rappelle les histoires fantastiques de Jules Verne, la légende du Hollandais volant et le monde futuriste et chaotique de Mad Max. Avec à l’origine des catastrophes climatiques, une planète en souffrance par les pollutions, le martyre et l’extermination du monde animal, l’auteur place l’homme dans l’anti-chambre du purgatoire. C’est violent, cauchemardesque et terriblement angoissant car la part fantastique, magique, ne fait pas oublier les réelles tragédies et dégradations de notre monde actuel.
Oural l’exorciste et Bengale le nécromancien sont des héros aux tempéraments opposés et complémentaires. Des esprits libres, non soumis, frondeurs, courageux, des personnalités ombrées de mystères, ténébreuses, forment un duo fascinant, et l’ambiguïté de leur relation donne une note séduisante à l’histoire.
A ces deux rôles principaux, il y a les personnages secondaires qui ont aussi leur importance. Le récit de l’aventure se scinde parfois avec les mémoires de leurs vécus, tragiques et douloureux. Ce livre n’amène pas le sourire, même lorsque quelques pincées d’humour se glissent dans certaines scènes. Et puis il y a Trellia… Trellia est une dauphine fantôme qui s’est imposée à Oural. Amie secrète qu’il ne retrouve qu’avec les marées, elle est son alter-égo, sa complice, câline, joueuse, cabotine, jalouse, et dans les pires situations, sa protectrice, son ange-gardien.
Je vous recommande donc cette belle histoire effrayante, curieuse et sensible. Elle a le souffle des épopées guerrières, des récits de piraterie, des mondes d’ailleurs, des voyages initiatiques, et elle a sa part fragile et émouvante des bons sentiments.
A lire ! (Lecteurs très impressionnables, attention !…)