Henry Caro-Delvaille

logo_babelioUn livre offert dans le cadre des Masses Critiques Babelio avec le partenariat des Éditions Faton

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henry-caro-delvailleHenry Caro-Delvaille
Peintre de la Belle Époque, de Paris à New York
Christine Gouzi

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Il est difficile de résister aux livres d’art ! surtout lorsqu’on vous les offre… N’ayant jamais été déçue par les publications des Éditions Faton, j’ai opté pour ce choix lors des Masses Critiques Babelio, séduite avant tout par la couverture et le sous-titre « Peintre de la Belle Époque ». Fin XIXe siècle, début XXe, c’est une période riche, fourmillante, élégante, prometteuse ; l’industrie, les sciences, les arts sont en plein essor.

Pour son doctorat d’histoire, encouragée par l’historien d’art Jacques Thuillier, Christine Gouzi a pris pour sujet le peintre Henry Caro-Delvaille. Elle livre à travers ce magnifique livre, vingt ans de recherches et plus d’une centaine de tableaux. La plupart de ses œuvres ont disparu. Né en 1876 à Bayonne dans les Basses-Pyrénées, fils d’un riche banquier Juif, son avenir était déjà établi dans la banque paternelle, mais ses ambitions étaient autres. Certainement peu sûr de lui, encore trop jeune, ce n’est pas vers ses sensibilités artistiques (danse et peinture) qu’il s’oriente, mais vers l’armée, chez les hussards. Cependant, après un accident de cheval, il est obligé de faire autre chose et se dirige vers la peinture. Dans un premier temps à l’École des Beaux-Arts de Bayonne où il obtient un prix en 1897, puis dans un second temps à Paris où il devient l’élève de Léon Bonnat. Indépendant, il ne se sentira jamais un disciple du maître, aspirant à se sentir « libre ». Libre comme le vent ? Il se plaisait à dire qu’il avait des origines gitanes. Ses cheveux, sa carnation, son regard noir et sa passion pour le flamenco devaient en attester !
Suite à l’avant-propos, l’auteur nous offre un passionnant entretien mené sur plusieurs années, de 1992 à 2005, avec le célèbre ethnologue Claude Lévi-Strauss qui fut le neveu du peintre. Les souvenirs sont riches, la conversation informelle ; le peintre, la famille, l’art et ses différents mouvements, Paris, la société artistique… le témoignage est captivant.


leon-bonnat-et-ses-eleves-de-marie-garayTableau de Marie Garay, « Léon Bonnat et ses élèves »
Huile sur toile, 2,16 x 2,59 m, 1914, Bayonne, musée Bonnat-Helleu
(Henry Caro-Delvaille est placé au bord du cadre.)

Ni de l’impressionnisme, ni du nabisme, rejetant le cubisme et le dadaïsme, sa peinture dite figurative et intimiste, raconte des histoires de son époque, rendant ainsi ses compositions attrayantes auprès du public. Les chapitres « Peinture mondaine et peinture du monde », « L’intimisme », « Les portraits mondains », découvrent les rituels d’une vie bourgeoise ou demi-mondaine (chez la modiste, une partie de cartes, au jardin public, un thé l’après-midi…) et célèbrent l’élégance de la femme qui rayonne aussi dans son rôle de mère. On retrouve ses modèles dans différentes scènes du quotidien qu’il aime peindre. Sa femme et ses belles-sœurs sont souvent représentées. L’auteur dit « des instantanés de vie ».

portrait-de-madame-landry-henry-caro-delvailleDétail du portrait de Madame Landry et de sa fille Hélène
Huile sur toile, 1,21 x 1,61 m, 1902, Amiens, Collection du musée de Picardie


Les commandes pour les portraits affluent. Il pare ses modèles de grâce et de douceur en gommant certaines imperfections. Il n’en délaisse pourtant pas le nu… Dans ce chapitre, l’auteur dit qu’il a commencé tôt à être attir
é par cette étude, influencé par les artistes Grecs. Ses nus ne sont pas statiques, ils accaparent l’espace ; le mouvement en rapport avec la danse (Isadora Duncan, dont il a été l’amant, a été portraiturée nue sous un voile grec en 1917).

la-robe-mouchetee-caro-delvaille« La robe mouchetée »
Huile sur carton, 0,755 x 0,515 m, Paris, Petit Palais

La deuxième partie raconte la communauté juive de Bayonne et les racines de sa famille. Il épouse, en 1900, Aline Lévy, fille aînée du rabbin Émile Lévy… Les trois filles du rabbin ont épousé des artistes peintres ; se joignent à Caro-Delvaille, Gabriel Roby et Raymond Lévi-Strauss (petit-fils du compositeur et chef d’orchestre Isaac Strauss et père de Claude).
En troisième partie ce sont ses voyages en Amérique et son installation. La guerre fait des ravages, traumatise et annihile tout élan. Réformé, il peut honorer des contrats en Amérique et part en 1916 où il reste seul durant un an. Sa femme et ses deux enfants le retrouvent en 1917. Là-bas, il fait des portraits pour renflouer les caisses, mais ce qu’il préfère peindre ce sont des fresques murales… Le succès est moindre, les critiques sont parfois assassinent, les temps changent et l’art célèbre d’autres genres beaucoup moins « classiques ».

henry-caro-delvailleHenry Caro-Delvaille dans son appartement de l’avenue Mozart avec La femme à l’hortensia au-dessus de la cheminée et sur le mur à gauche Groupe païen
Photo de Maurice Louis Branger, 1910

En fin de livre, une chronologie reprend les lignes essentielles de son existence jusqu’en 1928, l’année de sa mort. Je ne m’étendrais pas sur la période à New York, très intéressante, plus moderne, moins idéalisée, car elle compte l’autre moitié du livre… je vous la laisse découvrir.
D’après l’auteur, ce peintre appartient à une génération perdue. Pourtant primé, médaillé, exposé dans les plus grandes villes, et ami des plus grands, l’engouement pour ses œuvres n’aura duré qu’un laps de temps. Elle sous-titre son introduction par « Une gloire déboulonnée ».
J’aime beaucoup les peintures qui illustrent cet ouvrage de qualité. Outre les toilettes élégantes avec manches gigot, mousseline blanche et autres falbalas de la Belle Époque, ce sont les postures des modèles, et leurs regards, qui me charment. L’innocence se mêle à la volupté. Il y a un peu de Proust…
Je vous recommande ce livre et vous convie à rencontrer cet artiste méconnu…

 

caro-delvaille-henry-women-reading-1910-1911Devant la maison blanche
Huile sur toile, 0,66 x 0,813 m, 1910-1911

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Dictionnaire des maîtres verriers

dictionnaire-des-maitres-verriersDictionnaire des maîtres verriers
Marques et signatures
De l’Art nouveau à l’Art déco
de

Philippe Olland
Conception graphique, mise en page et photogravure de Pierre-Jean Jouve

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Dans un de ses textes, Pline l’Ancien écrit :
« Il est dans la Syrie une contrée nommée Phénicie, confinant à la Judée, et renfermant, entre les racines du mont Carmel, un marais qui porte le nom de Cendevia. On croit qu’il donne naissance au fleuve Bélus, qui après un trajet de cinq mille pas, se jette dans la mer auprès de Ptolemaïs, colonie. Le cours en est lent, l’eau malsaine à boire, mais consacrées aux cérémonies religieuses. Ce fleuve limoneux et profond ne montre qu’au reflux de la mer le sable qu’il charrie. Alors, en effet, ce sable, agité par les flots, se sépare des impuretés et se nettoie. On pense que dans ce contact les eaux de la mer agissent sur lui, et que sans cela il ne vaudrait rien. Le littoral sur lequel on le recueille n’a pas plus de cinq cents pas, et pendant plusieurs siècles ce fut la seule localité qui produisit le verre. On raconte que des marchands de nitre y ayant relâché, préparaient, dispersés sur le rivage, leur repas ; ne trouvant pas de pierres pour exhausser leurs marmites, ils employèrent à cet effet des pains de nitre de leur cargaison : ce nitre soumis à l’action du feu avec le sable répandu sur le sol, ils virent couler des ruisseaux transparents d’une liqueur inconnue, et telle fut l’origine du verre. »

La liqueur inconnue…
L’introduction de ce très beau livre nous raconte le verre, de la haute Antiquité égyptienne, vers le 3ème millénaire avant Jésus Christ, à nos jours. Flacons, gobelets, coupes, bijoux… vitraux, de l’opacité à la transparence, à travers les siècles, les techniques changent et progressent ; technique du moulage, enduction de verre, soufflage avec une canne creuse, inclusions, mosaïques, émaillages…

L’histoire passe par les manufactures juives, arabes et byzantines puis italiennes. Si durant l’Antiquité, on voit une belle évolution, au Moyen-Âge, le savoir-faire stagne et même régresse. Vers 1455, à Murano, une petite île vénitienne, des artistes Grecs s’installent et mettent au point « une matière inédite, un verre incolore, transparent, d’une extrême finesse et d’une très grande plasticité, qui prend le nom de cristallo. » Le travail s’orne de filigranes, de belles broderies ; torsade, filet, résille.

Dès le XVIe siècle, l’art des Vénitiens s’exporte en Espagne, en France, en Angleterre, en Europe Centrale… Puis en Bohême, les artistes perfectionnent un cristal à base de potasse plus facile à travailler, qui supplante celui des maîtres de Murano.
Après la soude et le potasse, un industriel Anglais utilise le plomb. Cette fois-ci, la concurrence vient d’Angleterre et leur négoce prend l’ascendant sur les autres durant un siècle.

En 1780, en France dans la région de la Lorraine, la cristallerie Baccarat et la Verrerie royale de Saint-Louis se confrontent à la fabrication anglaise.
A la fin du XVIIIe siècle, de nombreuses découvertes sont faites sur la colorisation et la mécanisation du travail ; on moule par pression. Les artistes Français commencent à dominer ; de nombreuses verreries et cristalleries s’implantent en Lorraine. Dans le milieu du XIXe siècle, on parle de l’âge d’or du verre. C’est aussi l’essor du développement industriel.
« Vers 1890, la France possède 162 verreries, occupant 23.000 ouvriers. »

dictionnaire-des-maitres-verriers-6Lors de l’Exposition internationale universelle en 1851, Londres fait participer près de 14.000 exposants et les autres grandes capitales suivront. En 1855, 1867, 1878, 1884, 1889… Paris présente des artistes verriers, des inventeurs et des décorateurs-émailleurs pour les arts décoratifs ; « artistes, artisans et chimistes ». L’auteur écrit qu’ils sont des magiciens et que leurs œuvres sont de l’ordre de la poésie et des rêves.
L’Art nouveau, avec Émile Gallé, est un mouvement artistique qui dure jusqu’en 1914. L’inspiration se tourne vers l’art japonais, le végétal, les insectes et les animaux. Ce sont des entrelacs, des couleurs et des courbes qui révèlent la féminité et la sensualité.
Après 1914, le style change, c’est l’Art déco. René Lalique est l’un des successeurs. Si la mode va vers les lignes cubiques, la simplicité et la transparence, nous n’en perdons pas pour autant la beauté, la majesté et la grâce.

L’impulsion créatrice qui n’a jamais cessé de croître, s’interrompt lors de la deuxième guerre mondiale. Les artistes Français cèdent la place aux artistes étrangers. De nombreuses verreries et cristalleries ferment leurs portes. Des manufactures italiennes, tchécoslovaques et scandinaves prennent le marché. Les temps sont aux cristalleries mécanisées.
« Mais une véritable renaissance artistique s’opère au cours des années 1970-1980… ».  De nouveaux créateurs, dans des ateliers individuels, apparaissent et offrent des réalisations plus modernes, contemporaines, dignes des plus grands maîtres. Malgré « la production pour tous », l’art verrier est toujours en fusion.

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Après cette introduction, que j’ai grossièrement condensée, nous parcourons le dictionnaire des marques et des signatures. Philippe Olland les présente par ordre alphabétique avec une biographie et une iconographie détaillée très intéressantes, de l’Art nouveau à l’Art déco en France ; à découvrir, cent quinze biographies d’artistes et un répertoire de deux milles marques et signatures. L’histoire de l’art verrier lue dans les premières pages est une lecture indispensable pour assimiler les évolutions des différentes techniques et mouvements artistiques. Néophyte, je ne me suis pas sentie perdue, ni exclue, par toutes ces connaissances, seulement un peu plus instruite, admirative et envieuse (j’aimerais bien avoir un flacon émaillé avec des arabesques orientales). Car, certaines créations touchent à la perfection, comme si le verre se dématérialisait. On le perçoit ainsi avec les mots de l’auteur que je citais précédemment… poésie, rêves, magie.

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Magnifique ouvrage de référence édité par les éditions Faton, ce dictionnaire se dévoile en plusieurs temps. Reçu dans le cadre des Masses Critiques Babelio, à sa réception, j’ai d’abord ouvert les pages sur la verrerie de Portieux dans les Vosges. Dernièrement je vous parlais de Joseph mon arrière-grand père paternel qui avait été tailleur de pierre, aujourd’hui, j’effleure la pensée d’Arthur mon arrière-grand-père maternel qui était maître verrier à Portieux. Portieux, qui a également fait le service verres de table de George Sand…
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Je vous recommande ce dictionnaire d’exception…

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  1. Cristallerie de Sèvres. Grand vase aux carrés et palmettes, XIXe siècle, Cristal clair doublé rouge, décor géométrique taillé. .H 49,5 cm, D. 23 cm. Collection du musée d’Art et d’Histoire de la ville de Meudon
  2. Page 133 du dictionnaire – Gallé
  3. Philippe-Joseph Brocard, Bouteille à motifs arabisants, v. 1880. Verre clair soufflé, long col annelé, décor émaillé polychrome, rouge, or, bleu, d’arabesques et de fleurs, sign. peinte à l’émail sous la base : Brocard. H. 40 cm.
  4. Photo de mon arrière-grand-père..
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