Minuit en mon silence
Pierre Cendors
Septembre 1914,
C’est le début de la guerre et tous les soldats espèrent déjà la fin du conflit pour pouvoir retourner chez eux. De son petit village où il a une permission, le lieutenant allemand Werner Heller écrit une lettre d’amour à une femme qu’il ne connaît pas et dont le souvenir l’accompagne dans les tranchées, face à la mort. Il ne sait que son nom. Un regard croisé à Paris, une main effleurée et un silence intense. La portée du silence est spéciale, puissante, plus bavarde et plus sincère que la parole.
Minuit en mon silence sont les mots écrits d’un jeune poète de sa garnison juste avant de mourir :
« Un jour, lieutenant, vous m’avez demandé pourquoi je m’étais engagé et ce que j’étais venu chercher dans cet enfer. La dévastation m’a conduit à cette guerre. Je n’ai pas besoin de vous dire que peu en reviendront. Et ceux qui en réchapperont seront tombés d’une autre manière. Moi, je suis tombé bien avant. Au moment de mon arrivée, je portais le deuil de mon enfance. J’avais vingt ans. Il était minuit en mon silence. »
Heller raconte dans sa lettre à Else un temps passé et ses césures, de l’enfance à l’adolescence et de l’adolescence à l’âge adulte. Il lui parle de l’amour qu’il a tout le temps cherché à travers les femmes de sa vie et qu’il nomme Orphia. Il lui dit la solitude et son avancée vers le front, la peur, ses hommes, et toujours le silence qui l’habite, le silence qui est comme une musique de mots.
Cette lettre peu ordinaire, si poétique, emplie de mélancolie et de passion retenue pour son idéal absolu qu’il écrit « inaccessible », est certainement l’ultime confession d’un homme qui se sait sacrifié.
Ce roman fait penser à d’autres histoires lues. L’auteur évoque la mémoire d’Alain-Fournier décédé en 1914, qui a écrit la magnifique histoire d’amour entre Augustin Meaulnes et Yvonne de Galais ; une silhouette qu’il voit lors d’un bal masqué, qu’il perd et qu’il recherche longtemps. Le style épistolaire et la sonorité de la prose rappellent celui de Stefan Zweig, « Lettre d’une inconnue », et celui de Rainer Maria Rilke, « Lettres à un jeune poète », des auteurs du début du XXe siècle. C’est triste, idéaliste, chimérique et très beau.
Je vous recommande cette lecture…
Tableau de Picasso, Olga – 1918
J’ai déjà noté ce livre ; un thème grave, mais qui mérite d’être évoqué, encore et encore … tous ces jeunes hommes sacrifiés.
C’est une histoire poignante, car tu imagines toute cette jeunesse partir pour ne plus revenir, pleine de rêves et de poésie. La guerre est pudiquement écrite, mais les mots sont forts. Il y a un passage, si court et si intense, qui raconte que ce jeune officier prussien se penche sur un soldat français à l’agonie. Il y a un partage de regards et ils savent qu’ils sont du même bord.
Un tout petit livre, Aifelle… note et souligne…
Merci pour ce titre. Je vais voir si je ne peux pas l’intégrer dans une séquence 3ème. Pourquoi pas.
Bonjour Sandrine, une séquence 3ème ? pour tes élèves ? Si c’est le cas, j’espère qu’ils apprécieront.
Merci de présenter ce livre, je ne connaissais pas
Je suis ravie, alors… Je pense qu’il te plairait.
Une lecture qui en rappelle beaucoup d’autres….
Oui, Alex. Et de belles références.
Je me le note, c’est le genre qui me plait. Et si en plus il y a une référence au Grand Meaulnes, c’est la cerise sur le gâteau !
Une amoureuse de plus d’Augustin !
😄😄😄 Plutôt d’Alain-Fournier. Quand j’étais ado, je bavais devant la photo qu’il y avait de lui dans le Lagarde et Michard ! 😉
Coucou,
Avec toi , ma PAL qui est déjà bien longue va s’agrandir !!!!
J’aime beaucoup que cela soit vu par un soldat allemand.
Merci pour ce billet.
Belle après midi
Ça a l’air très beau et émouvant. Je le note j’avais envie de lire un peu plus sur la première guerre mondiale. Je vais essayer de le trouver. Merci Syl.