Un livre offert par les Editions Robert Laffont
Challenge « Nos régions » : Haute-Normandie
Destination PAL de Lili Galipette
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La vie était belle
Martine Marie Muller
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Dieppe, 1963.
Eric Aubin, jeune homme de dix-huit ans, est domestique chez les d’Estignac, une vieille famille bourgeoise de Dieppe. Avec ironie, il se dit être un « butler »… c’est mieux que majordome ou valet. Orphelin, recueilli par les religieuses de Saint-Aubin, il n’a pour horizon que sa chambre mansardée, les falaises et le cinéma. Il ne sait même pas s’il peut se permettre de rêver et de prétendre à une autre vie.
Gants blancs pour le service, ce soir la maison reçoit… Gros plans sur la cuisinière qui s’affaire, sur le plateau des toasts et sur celui des coupes de champagne… son regard est une caméra, il s’amuse à être cinéaste.
Lors de cette soirée, Eric fait la connaissance de Sir Archibald Leach, un aristocrate anglais un peu désoeuvré, charmeur et mystérieux, qu’il comparera un jour à Peter O’Toole dans « Lawrence d’Arabie ». Leur entente est immédiate et débouche sur un projet inespéré, exceptionnel !
Sir Archibald le présente à Freddy l’Enfer, un canadien qui a fait le débarquement en juin 1942. L’ancien soldat témoigne de ce matin d’août où ils arrivèrent sur la plage Rouge et où il vit beaucoup de ses camarades mourir sous l’artillerie ennemie.
« – Je suis mort sur la plage Rouge, le 19 août 1942, à 5h31 du matin… Sur la mer d’un noir de suie montaient des torsions de fumée…
… Les coups de canon m’entrent dans le ventre, dans la gorge. On mitraille la falaise… une foule qui hurle, insultant le Ciel et les Boches, une masse souple et compacte qui soudain explose et se recompose. The Lord is my sheppard. Le Seigneur est mon berger. A mes pieds, un jeune tient entre ses mains le nid diapré de ses entrailles. J’ai entendu : « Hey, choum, bouge-toi ! Ma survie est ma victoire et ma condamnation, ma mort est ma geôle et ma liberté ! » Du courages et des tripes, avait ordonné le général Roberts… »
Les souvenirs de Freddy, Eric voudrait les saisir et en démontrer toute la puissance. C’est alors que Sir Archibald amorce l’idée d’un film. Enregistrer les mémoires des hommes et des femmes qui ont survécu à ce temps ; la guerre, l’occupation, la libération, la résistance, la soumission, les sympathies, l’opportunisme…
Sur ses recommandations et avec son appui, Eric peut demander au père Fernand de lui confier sa caméra pour filmer « Dieppe en guerre ». Puis, toujours par l’intermédiaire de Sir Archibald (le bon génie), il rencontre une jeune fille de son âge, Marjolaine, qui lui servira de scripte. Leur passion commune pour le cinéma les rapproche et leurs conversations sont une surenchère de titres de films, de noms d’acteurs, de scènes mythiques. Eric expérimente pour cette nouvelle amie, un véritable coup de foudre.
Madame d’Estignac, détentrice de la fortune familiale, est prête à subventionner son film. Elle croit en lui, elle l’a toujours apprécié car il est sa fantaisie, même si cela doit déplaire à son fils et sa bru.
Eric ressent cette aubaine comme une exigence. Il a l’intelligence et la détermination pour se hasarder dans cette aventure.
Etre naturel, oublier la caméra. Il pose une question en prélude des monologues et le déballage des confidences se fait simplement. Clap, moteur, scène 1, la caméra tourne.
Au montage, Eric est surpris. La pellicule ne ment pas, elle rapporte parfois d’autres réalités. Les images démontent les histoires narrées et racontent un envers du décor.
Fernand le Boeuf, Antoine Cacheleux, Fabre de Parrel, Philippe et René Levasseur, Marjory Rasse, Emmanuel Faure… ils avaient 18 ans en 1940, ils avaient 30 ans… Ils ont combattu, résisté, ils ont collaboré, ils ont été déportés, ils ont vécu l’occupation avec courage ou lâcheté, soldats, civils, hommes, femmes, les esprits sont blessés et suppurent encore.
Ca dérange. Vingt ans ont passé et c’est à vif. Les menaces cernent Eric qui s’obstine à poursuivre son documentaire. On connaît sa motivation, mais qu’en est-il de Sir Archibald ? Il est le marionnettiste qui tire les ficelles. Son flegme et son élégance britanniques sont une apparence. Il était à Dieppe lui aussi durant la guerre, il avait son rôle.
Plus que l’ascension d’un jeune garçon orphelin, sans le sou, féru de cinéma et passionné par la seconde guerre mondiale, c’est la quête d’une vérité sur les histoires du passé. Le silence étouffe les vies, il est une violence pour certains, mais pour d’autres, c’est leur absolution. La guerre a permis d’enfouir des mensonges et des crimes…
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Ce livre pourrait être votre histoire de l’été, sa lecture a été très agréable.
Epopée d’hier, destin d’aujourd’hui, à travers Eric, nous lisons quelques secrets tenus depuis la guerre. Dieppe présente des aspérités, des cicatrices, elle est la scène d’un héroïsme guerrier avec ses fantômes et d’une zone minée depuis son occupation.
L’auteur mêle aux désirs et à l’engouement d’Eric, une intrigue complexe qui défait petit à petit sa trame. Livre à tiroirs où sont rangés quelques films hollywoodiens, quelques références à la Nouvelle Vague, il est question d’honneur, de traîtrise, d’espionnage, d’amour, d’humanité.
« La vie était belle » renvoie au film de Franck Capra, en 1946 avec James Stewart. Beaucoup d’analogies sont faites entre le cinéma et le déroulement du scénario et ainsi nous avons une filmographie très intéressante… « Fort Apache », « Casablanca », « Le Pont de la Rivière Kwaï », « Ben Hur », « L’homme qui tua Liberty Valance »…
Sans ennui, un rythme prenant, de surprenantes révélations qui défont les images, vous aurez certainement plaisir à lire ce livre.
Je retiendrai un passage cruel, dont la violence s’assimile étrangement à un adoubement… Philippe, un des personnages importants du roman, invite Eric à la pêche au congre. La tuerie est un massacre sanglant, presque un acte de guerre. Eric en sort grandi et moins vulnérable.
Merci Christelle…
L’auteur, professeur de lettres dans la région parisienne, a écrit une vingtaine de romans.
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Dieppe 1944
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Encore une fois, tu me tentes avec ton article si bien écrit.On a beaucoup écrit sur la guerre mais pourquoi pas puisque ce livre semble (relativement) léger puisque pour l’été.
Bonne journée Syl
Léger… dans le style qui est fluide, mais le fond ne l’est pas trop. J’arrête là mon bavardage, je risquerais d’en dire trop.
Biz Pyrausta
Pas trop tentée cette fois… Mais tant mieux pour ma LAL qui commence un peu (!!) à déborder…
Snif… Sacrée PAL, elle nous aura !
Un joli billet, je le note !
Notez chère amie ! Un livre bien écrit et une histoire qui se tient, avec des rebondissements.
La scène de la tuerie m’empêchera de lire ce roman…mais bon il ne me tente guère a vrai dire, je suis dans Tess de Thomas Hardy et après je crois que j’enchaînerai sur quelques livres courts en attendant de re muscler ma pal à l’automne…
Tu as lu Moby Dick ?
Le passage que je cite est marquant mais pas traumatisant. Pourtant, je suis d’une nature très sensible ! Tu es dans des classiques en ce moment… je n’ai pas su te tenter, hélas ! Je remballe mon boa…
N’étant pas, mais alors pas du tout fan de cinéma, je passe mon tour sans regret.
Neuvième art mais pas septième ! Passez donc Monsieur, je vous aurai au tournant !
J’aime beaucoup ton billet et l’oeil du protagoniste qui filme inconsciemment ! Tu me tentes bien sûr mais pas tout de suite, après l’été et encore !!! 🙂 Bises
J’adore quand tu remballes ton boa 😆 A quand la nuisette ???^^
Pour toi, ça sera une nuisette en pilou. Nous avons les mêmes valeurs…
Eric n’est pas si inconscient. Il s’aperçoit très vite que les images ne suivent pas les mots. C’est ce qui donne le piment au récit.
Bise
Bonjour Syl, ce roman a l’air passionnant ! Je vais le noter. Et merci de t’être inscrite au Challenge Kafka ! Bonnes vacances !
Merci Coccinelle ! J’aime Kafka. Je l’ai découvert assez tard et j’en ai fait une orgie. J’aimerais reprendre quelques uns de ses titres.
« La vie était belle » ressemble à un film ou une saga de l’été. Du suspens à chaque épisode !
Pourquoi pas, et le film, et le livre.
Bonne idée ! Relever les titres des films et se programmer des séances vintage en noir et blanc…
Je vais te la faire à la Normande alors p’tête ben que je le lirai, p’tête ben que non. A méditer en fonction de ma liste de livre à lire. Trop de truc à lire et si peu de temps.
Ma Normande qui écrit même si elle n’a rien à dire ! J’ai bien reçu ta carte. ♥
Je suis contente d’avoir reçu la proposition de cette lecture. Ayant EGALEMENT une pal monstrueuse, je ne l’aurais peut-être pas notée. Au final, j’ai passé quelques heures délicieuses entre ces pages. C’était comme une balade estivale.
Bise Sandra !
Ce livre a l’air intéressant mais j’ai encore plusieurs romans dans ma PAL qui ont pour décor la seconde guerre mondiale ou ses réminiscences, celui-ci va devoir attendre un peu !
Note et il attendra… C’est le genre de livre qui ne se démode pas !
J’aime beaucoup la couverture. Et tu en parles très bien.
Oui, c’est dans ton style… tu aurais pu la prendre !
Difficile d’analyser ce livre sans trop en dire. L’auteur est stratège !
Je crois que ton billet très complet me suffit, et tant mieux, ma Pal n’en peut plus !
Mais je ne dis rien !!! So ! je ne raconte rien du livre ! Si tu savais tout ce qui se passe !!!
Mais il fait combien de pages alors ???
Non, décidément, j’ai trop de choses à lire. Je passe mon chemin.
Il est gros ! Tu demanderas à Do ce qu’elle en pense.
Je suis tentée, si les visiteurs de l’été me laissent du temps pour la lecture.
Même combat Evalire ! Il m’arrive de languir la reprise de l’école par moment. Mais plus à la fin de l’été qu’en son début.
Note et tu verras…
Merci pour cette découverte. Je ne connaissais pas du tout. Les thèmes abordés m’intéressent. Je note.
Bon weekend!
Bon week-end… Fanny ! L’auteur est à découvrir.